Martial

 

Attention !
Le contenu de la partie martial est un désarchivage sauvage d’un travail personnel réalisé il y a dix ans (je ne connaissais presque rien du Systema). Je vous mets ça là en attendant de me pencher sur la réécriture de cette page. Je me concentre actuellement sur la partie santé.

I        Introduction à la problématique

«Celui qui veut comprendre et savoir

Si l’escrime est un art ou science

Je dis que tu devrais noter mon savoir.»

[Maestro Philippo Vadi 1472-1508 De arte gladiatoria dimicandi]

Je suis un passionné d’arts martiaux et la curiosité m’a poussé à approfondir mes connaissances dans ce domaine. Je l’ai donc étudié par la pratique, les lectures et diverses autres recherches. Je livre ici le fruit de ces recherches.

         Il m’est apparu, dès le début, que l’univers des arts martiaux était complexe et fantasmé, pour cause, le grand public ne les connait que par le biais du cinéma. Ressèment, les sports de combat ont fait tomber nombre de mythes et ont même montré leur supériorité physique sur les arts traditionnels lors de compétitions sportives. L’autodéfense de son côté s’est vue progressivement enseigner indépendamment du cadre des arts martiaux. Je me suis donc interrogé : les arts ancestraux ne sont-ils pas issus de systèmes guerriers ? N’ont-ils pas à l’origine été développés pour l’autodéfense, la survie et l’efficacité ? N’ont-ils pas été sélectionnés par la victoire ou la mort de leur pratiquant ? Ces systèmes sont-ils devenus obsolètes, ou sommes-nous en train de nous méprendre sur ce qu’est un véritable art martial ?

         Mes recherches mon fait faire une distinction entre un art authentique et un art traditionnel. Le premier est un art vivant qui évolue sans renier ces principes fondateurs alors que le second n’est plus que la vitrine d’un passé fantasmé qui se déforme a chaque génération. Cette recherche d’authenticité m’a poussé à regarder au-delà des traditions, des styles et des pratiquants pour découvrir ce qui est à la substance de ces arts martiaux véritables.

         Avant d’approfondir le sujet, regardons brièvement ce que fait émerger, du moins pour moi, le terme « art martial ».

Premièrement, est-ce un art ou une science ? La réponse semble être une juste alchimie les deux. Les éléments qui en font une science sont les lois de la physique, de l’anatomie, de la physiologie, de la psychologie… Ce rapport au réel ne permet pas d’abstraction. Rester terre à terre, voilà la contrainte. Cela n’empêche nullement un art de s’exprimer !

L’art du combat est l’un des plus durs à maitriser, car l’égo et la violence qui en découle induisent en erreur la majorité des pratiquants. L’art se transforme en une opposition bornée et brutale. L’adversité, quelle qu’elle soit produit effectivement une confrontation, le véritable art consiste à faire avec cette contrainte et non contre.

         Le « Martial » est-il destructeur ou bienveillant ? C’est bien l’amour de la vie qui nous pousse à nous protéger. Pour pouvoir faire face à la mort sereinement un guerrier doit préalablement s’être libéré de ses peurs et de ses croyances négatives. L’homme martial ne court ni vers le combat ni vers le danger. Il vit pleinement, s’entraine et apprend chaque jour à être plus présent afin de conserver sa vie le plus longtemps possible. Évidemment cette vision est idyllique et l’histoire me donne tort, car elle est empreinte d’utilisation destructrice de violence et de la guerre. Comme la violence frappe en retour, peu de destructeurs n’ont vécu bien longtemps ni bien heureux.

         Heureusement le monde n’est pas que violence. Cultiver l’amour et l’altruisme permet aussi de s’en affranchir. Dans un premier temps, évitons d’être à l’origine et de perpétuer cette violence. 

 

 

II       L’homme, la société et la violence

«Danshi mon wo izureba, hyakuman no teki ari» (hors de [chez] sois un million d’ennemis guettent[1])

[16 éme précepte du karate-jutsu ninju kyokun]

Dans l’optique de trouver des points communs aux arts martiaux, une étude du comportement humain en société est indispensable. Si les réactions de l’homme face à une situation sont partout semblables alors les solutions martiales ne peuvent que peut diverger.

Le combat est par définition une recherche de domination qui utilise la violence physique et psychologique pour parvenir à ces fins. Le risque d’entrainer un traumatisme de la partie adverse n’est donc pas négligeable, c’est parfois même le but premier. La violence émane d’un individu Luis même en souffrance, qu’il en soit conscient ou non. Ainsi la violence a tendance à se perpétuer jusqu’à épuisement des parties.

Les individus à tendance violente ont une psychologie qui se distingue des autres sur plusieurs points : ils interprètent la réalité de manière différente. Ils sont égocentriques et se sentent supérieurs aux autres. Leurs manques d’empathie les rendent indifférents au sort d’autrui. Ils sont facilement irritables à la suite de contrariétés, obstacle ou frustration. Pour finir, ils déchargent facilement leurs violences sans envisager une seconde les possibles conséquences de leurs actes.

         La violence est-elle contre nature ? Non ! Elle existe depuis le début des temps et elle a façonné la vie telle que nous la connaissons. La violence est utile au vivant. Notre patrimoine génétique est issu d’une cellule qui s’est divisée et évolué depuis l’origine de la vie. Nous sommes donc individuellement l’aboutissement de trois milliards d’années de lutte victorieuse pour la survie. Comme une barque nous sommes voués à conserver et protéger cette vie le temps de la transmettre.

         L’éthologie (l’étude du comportement animale) a beaucoup contribué à définir les raisons et les fonctionnements de cette violence dite « naturelle ». La violence que l’on évoque au quotidien n’est pourtant pas celle comme naturelle, mais comme une criminalité inacceptable. Pourquoi inacceptable ? Par ce qu’elle enfreint les règles de société que nous nous sommes fixé. Ces règles sont-elles en accord avec les lois de la nature ? Vaste question.

                  Dans cette confusion, deux grandes catégories de violence se distinguent de manière assez évidente : la violence socioaffective et la violence asocioprédatrice. Nous allons les détailler.

1                   La violence socioaffective

La violence socioaffective sert à sélectionner et à hiérarchiser des individus, au sein d’une l’espèce (intraspécifique). Elle constitue la principale source de violence dans la société, soit environ 9 cas sur 10. Fortement liées aux sentiments (système limbique), ces violences sont motivées par une perception subjective de menace (frustration, jalousie…) qui perturbe l’homéostasie de l’individu (équilibre de vie). C’est une violence ou chaque protagoniste à l’impression de se défendre ou de riposter à un affront ou une attaque adverse. Ces rituelles existent sous forme de violence non physique, ce qui les rend plus insidieux.

L’état d’alerte socioaffectif place transitoirement le sujet hors de lui (colère, fureur…). La violence alors déclenchée est immédiate, impulsive et hostile. Son vécu émotionnel est douloureux et désagréable, mais perçu comme pouvant mettre fin à cette situation de mal-être profond.

Cette violence s’exprime au travers de réactions rituelles, selon des attitudes reconnaissables (pattern). Ces attitudes sont analogues dans toutes les civilisations et une grande majorité d’espèces animales. Ils sont destinés à une communication non verbale claire et efficace.

Ces rituels sont, selon les éthologues au nombre de sept : la provocation, l’affrontement, le contrôle du territoire, la domination, la sélection, la séduction et la soumission. Mon analyse personnelle me pousse à en ajouter deux de plus, spécifique à l’homme : l’humiliation et la vengeance.

La provocation est utilisée pour accéder à l’ascension sociale. L’intimidation en est le moyen naturel et précède toujours l’attaque dans ce type de violence.

Les signes avant-coureurs d’une attaque physique socioaffective sont : le dégagement des dents par contraction des muscles élévateurs des lèvres (muscles « canins »). La bascule de la tête en arrière qui projette la mâchoire en avant et le visage de face pour impressionner. Une posture tendue vers l’adversaire avec une expansion thoracique et les bras tendus en croix. Cette posture dangereusement ouverte est un défi mêlé de bluff. Le but inconscient est de paraitre plus grand, plus fort et plus gros que l’adversaire.

Malgré son attitude exubérante (propos, gestes, ton de voix), le sujet reste accessible à la négociation. Sourcils froncés, le regard intense et fixe se braque dans les yeux du rival. Le visage est rouge et les pupilles sont dilatées par les hormones (adrénaline). Les insultes et invectives fusent pour dégrader l’image de l’adversaire afin de pouvoir l’attaquer sans remords.

Si la situation s’envenime, il peut même y avoir apparition de frappes simulées ou redirigées sur des objets proches (frappe arrêtée à un centimètre du visage, poussées, coup de pied dans une poubelle…). Tout est fait pour faire réagir l’adversaire le soumettre ou légitimer une véritable attaque.

 

Dans le cas où l’intimidation ne suffit pas à obtenir la domination, l’affrontement réel survient. Le combat socioaffectif, même s’il est viril, n’est jamais volontairement dangereux. L’inhibition génétique empêche que les combats au sein d’une espèce virent au massacre. Des accidents arrivent malgré tout, mais ils ne sont jamais souhaités.

Des études de polices ont montré la prédominance des techniques de lutes (54 %) sur les percussions pied-poing (13 %) le reste est constitué de crachat griffure coup de boule, etc. Les gestes y sont prévisibles et grossiers. De nombreuses empoignades finissent alors par une chute au sol des deux combattants.

Les sports dans leur ensemble ne sont qu’un simulacre civilisé et ludique de combat ritualisé. Les sports de combat en sont évidemment les plus représentatifs. On y retrouve une opposition de force symétrique, par niveaux ou catégorie de poids, la glorification du vainqueur et la tristesse, voir l’humiliation ressentie du perdant.

Les champions sportifs sont par conséquent les maitres incontestables du ring. Il est impensable de penser vaincre un champion en suivant les règles des compétitions, a moins d’être soit même un athlète aux capacités exceptionnelles. Le sport génère donc de puissants combattants déterminés et dotés d’une forte condition physique. Le fondement martial n’est pas à chercher que de ce côté-là, car la vie n’est pas un ring.

L’état socioaffectif n’est pas toujours stable et peut glisser sur un comportement de survie, notamment si la situation et la menace empirent et que la panique apparaît. Nous y reviendrons plus loin.

Après « l’affrontement » et afin de marquer et délimiter ce qui nous appartient et ce que l’on a conquis, nous utilisons une attitude de contrôle du territoire. Cette démonstration de force et d’orgueil fait augmenter le nombre de conflits socioaffectifs entre les individus proches ou entre ceux qui exploite ou cherche a exploité les mêmes ressources (voisinage, collègue, cohabitation…)[2]. La distance annule la nécessité d’agressivité socioaffective.

L’attitude de domination nécessaire au contrôle du territoire a pour but de rappeler à chacun son rang social. Le mal alpha (dominant) se tient droit et presque immobile au centre de son territoire. Depuis sa position de force il dirige les bêtas (dominé) qui gravitent autour en se démenant et courbant l’échine[3]. Ce rituel n’est pas agressif à moins de chercher volontairement à maintenir un individu éloigné spatialement ou socialement.

Le rituel de sélection du partenaire sexuel s’effectue entre personnes de même sexe et de même niveau social en vue de la reproduction. Le but est d’éliminer les autres prétendants. Les environnements de socialisation concurrentielle sont donc dangereux[4].

Une foi les prétendants évincés il faut séduire là où le partenaire. Ce rituel ne pose problème qu’en cas de refus face à un individu insistant et susceptible.

L’attitude de soumission permet au perdant l’arrêt de l’agression et même parfois la protection et l’affection de la part du dominant. L’attitude consiste à baisser les yeux, se courber et avouer son infériorité : « OK t’es le plus fort ! C’est toi le patron… »  En dehors des humains un pardon immédiat est accordé par le dominant et le dominé ne garde aucune rancœur. 

L’homme contrairement aux animaux garde les défaites en mémoire et les rumine. Nous n’aimons pas nous soumettre et quand nous y sommes contraints nous le faisons à contrecœur et de manière hypocrite. De dominant qui n’est pas dupe va user de l’humiliation pour s’assurer que sa domination est totale. De tels comportements entrainent parfois des blessures psychologiques, des lésions physiques sévères et parfois la mort du dominé.

L’humiliation appelle à la vengeance. Le sentiment d’injustice nous pousse à la recherche de « réparation ». La réparation, « œil pour œil, dent pour dent », tourne rapidement au, « je te le rendrai au centuple ». Ce rituel, comme le précédent, est une déformation maladive de la violence naturelle. De tels agissements ne peuvent que nuire à l’espèce[5].

2       Violence prédatrice et combat martial

La violence asocioprédatrice est initialement prévue pour sévir entre des espèces différentes (interspécifique) et s’exprime entre une proie et son prédateur. Cette violence permet la survie d’une l’espèce et sa croissance dans un milieu hostile. Le danger y est soudain, réel et vital.

         Le premier prédateur le l’homme est devenu l’homme, d’où l’ambigüité des mécanismes psychiques liés au combat de survie. Face à un homme violent, le réflexe inné est d’adopter un comportement rituel socioaffectif. Dans les violences socioaffectives, les rivaux sont opposés par un grief ou une ressource. Dans la violence asocioprédatrice, la proie devient la ressource.

         Parmi ces prédateurs, la majorité est motivée par une ressource possédée par la victime (vol, viol…). Ils utilisent la violence comme un outil pour obtenir ce qu’ils veulent et arrêtent leurs violences dès qu’ils l’ont obtenu. Des violences d’accompagnement peuvent être commises. Ces violences ne sont pas initialement prévues, mais elles sont indispensables pour obtenir la ressource (braquage avec fusillade, suppression de témoins, violence associée au viol).

Le second type de prédateur rare, mais bien plus dangereux est motivé par le processus de la violence. Ces sadiques se délectent de la souffrance de la victime (mutilations, tortures, actes de barbarie…).

         Une troisième catégorie de violence asocioprédatrice regroupe les règlements de compte, les frappes militaires et les attentats. Bien qu’ayant un moteur social (injustice, grief…), cette violence est intentionnelle, froide et calculée (vendetta, récupération de dette…).

         L’acte violent prédateur est indépendant de toute menace perçue. La motivation d’attraper une victime est d’origine interne.

La violence prédatrice est offensive, préméditée, intentionnelle, consciemment organisée dans une logique de chasse. La cible est minutieusement choisie et la stratégie est affinée durant une période de traque qui peut prendre des heures, des jours, voire des mois. Les informations sont récupérées discrètement, petit à petit durant cette période. L’installation du mécanisme d’attaque se fait silencieusement avec ruse, charme, manipulation, leurres…

L’absence de stress du prédateur s’explique par une faible activation du système autonome. Aucune émotion particulière n’est ressentie excepté l’exaltation. Le vécu émotionnel est plutôt agréable et sadique.

La violence asocioprédatrice est fortement inégale. Un prédateur n’attaque que des individus plus faibles physiquement, psychologiquement ou stratégiquement[6]. Il est alors attendu que la proie impuissante subisse les sévices. Les femmes, de par leur physique, conçoivent plus facilement que les hommes cette réalité d’asymétrie en combat de survie.

L’attitude neutre du prédateur se modifie au moins deux secondes avant l’attaque. Cette attitude prédatrice est similaire chez tous les individus, pratiquants d’arts martiaux ou non : Si l’individu était agité jusque-là il se fige un instant. La bouche se resserre (lèvre et mâchoire) pour protéger les dents. Le sourire ou les grimaces disparaissent. La discussion ou les insultes s’arrêtent. Le prédateur devient muet ou prend une voix sifflante. La tête bascule vers l’avant et présente le front afin de protéger la gorge avec le menton et les yeux avec les arcades sourcilières. L’alignement des cervicales se fait ainsi plus fort contre les chocs. La posture se place de trois quarts et le poids est transféré sur la jambe arrière pour préparer le côté fort à attaquer (côté droit en arrière pour les droitiers). La pupille se rétrécit, le teint devient blême. Le prédateur semble subitement regarder par-dessous. Il rompt ensuite le contact oculaire par un balayage visuel de 360 ° ou par un regard dans le vide ou encore par un rapide coup d’œil sur les cibles vulnérables. Ce mécanisme de rupture de contact visuel permet notamment d’augmenter le champ de vision et de scanner l’espace alentour, mais aussi de suspendre l’empathie pour attaquer sans retenue.

Le combat martial réel est fréquemment assimilé à la violence prédatrice. Ce rapprochement est compréhensible en raison de son utilité militaire préméditée et létale. Quant au combat d’autodéfense, la situation ne devient martiale que face à une violence prédatrice avérée.

La guerre n’est pas un bon exemple de ce qu’est le martial. La plupart du temps ce n’est qu’un conflit pour le contrôle d’un territoire (physique ou idéologique) qui entraine effectivement un grand nombre de situations de lutte pour la survie. Les règles de la guerre[7] (convention de Genève) et ces motivations rappellent son caractère rituel. Le pragmatisme martial ne s’embrase pas de lois. La guerre, c’est la guerre, pas de quartier !

Dans mon travail d’analyse, il sera principalement question de la version d’autodéfense.

Le but du combat martial est de se tirer d’affaire au plus vite avec le moins de dommages possible.

L’initiateur de la violence se place dès le début en position forte pour un échange asymétrique de violence. Pour le récepteur de l’agression, il lui faut inverser la situation d’asymétrie ou fuir hors de portée de l’agresseur. La soumission ne fonctionne que pour les attaques socioaffectives. Si la victime réagit correctement pour rétablir la symétrie de la situation, il est probable que l’agresseur renonce à son attaque. Malheureusement l’agresseur peut aussi augmenter brusquement le niveau de violence pour garder le contrôle de la situation, notamment si la réaction de la victime est maladroite et inefficace.

En situation martiale, mieux vaut se fier à l’instinct[8]. Dans un système martial bien conçu, la technique colle au plus proche des réflexes innés. Les techniques martiales doivent fonctionner en état de stress intense. Elles doivent être apprises calmement puis répétées dans des conditions de plus en plus stressantes jusqu’à l’insupportable. En matière d’autodéfense, rien n’est plus grave que de se donner de fausses certitudes et de développer ainsi une confiance déraisonné et suicidaire.

La confusion actuelle sur la nature de l’art martial vient d’une transformation des arts ancestraux d’une science technique en une voie et un art de vivre[9].

La technique martiale est dirigée vers la pertinence technique. Toute erreur signifie la défaite et la mort. Toute seconde chance y est proscrite. La vérité n’est pas théorique, elle se vit dans l’instant et qu’elle se vérifie dans ses conséquences. La vérité martiale ne peut à ce titre être immobile et immuable.

Traditionnellement la voie martiale n’était accessible qu’après un apprentissage technique rude et réaliste. Une fois ces peurs dépassées et l’égo maitrisé la voie apparaissait comme une révélation. De nos jours les voies martiales ont pour but premier de trouver un équilibre de vie et un épanouissement personnel, tel que l’on pourrait le faire au travers de la peinture ou le chant. C’est un art, qui structure l’individu, mais qui s’éloigne souvent de son origine martiale.

3       Proportion des violences dans la société.

L’Institue for Economics and Peace (l’IEP) dans sa publication « Global peace index » de 2013 place la France en 53 eme position sur 162 pays en raison de son niveau de sécurité (considéré comme bon)[10].

Le nombre d’homicides et de 1 pour presque 600 actes de violence et 100 000 habitants[11]. Les victimes sont à 60,5 % des hommes (67,4 % en comptant les mineurs). La principale cause d’homicide reste les réseaux de criminalité organisée (gangs et trafics illégaux).

En dehors de rares cas spécifiques, l’être humain possède un verrou comportemental l’empêchant de blesser gravement ou de tuer l’un de ses congénères. On ressent cette inhibition à travers la répugnance naturelle à percer la peau ou les yeux d’un adversaire. Cette répugnance diminue avec la prise de distance et l’utilisation d’accessoires d’interposition physique et/ou mentale.

Les sociopathes et psychopathes sont connus pour leur complète absence d’empathie. Mais ces pathologies psychiatriques sont loin d’être les seules à permettre le meurtre de sang-froid, on peut citer : les folies passionnelles, les substances psychotropes désinhibitrices (alcools, antidépresseurs), les hallucinogènes (champignons, LSD, DMT, DCP), la déshumanisation idéologique (révolution, persécution, génocide, esclavage), les transes de fureur meurtrière (transes de groupe, houliganisme, amok, berserk, Windigo), et les conditionnements opérants (soldat, terroriste, Kamikaze).

     En France les statistiques d’homicides montrent que 59 % incluent l’utilisation d’une arme dont 31 % d’armes blanches et 27 % d’armes à feu, le plus souvent des carabines ou des fusils de chasse. Au niveau mondial, c’est l’arme à feu qui domine[12].

     En raison de ces statistiques, il est important de se faire une idée de la dangerosité d’une agression armée.

Seuls 20 % des victimes d’agression à l’arme blanche aux USA ont eu le temps de voir l’arme avant le coup. Ce ne sont que les survivants qui ont pu en témoigner[13]. Des expériences de simulation sur des policiers ont confirmé ces statistiques à la hausse[14]. De manière empirique, il faut toujours considérer qu’un agresseur est potentiellement armé[15]. Si un agresseur montre clairement son arme, c’est qu’il menace sans véritable intention de s’en servir. Mieux vaut obtempérer, car en cas de résistance il pourrait changer d’avis.

Les armes à feu offrent un excellent avantage balistique, néanmoins 90 % des attaques se font à une distance inférieure à cinq mètres majoritairement à moins de trois mètres. À une telle distance impossible de raté, une cible fixe, mais la proximité d’une cible mouvante oblige le tireur à ajuster son tir par de plus grand changement d’angle.

Pour les homicides à main nue, les coups (19 %) sont préférés aux strangulations et asphyxies (9 %).

Les violences crapuleuses (qui ont pour but le vol) constituent moins de 50 % des motifs d’agression déclarée et moins de 10 % des meurtres. Sella montre indirectement l’importance des violences socioaffectives (domination, jalousie, vengeance…) et de leur dérapage. Les voleurs n’ont aucun intérêt à passer par la violence pour parvenir à leur fin. Seulement 30 % des vols se font en présence du particulier et uniquement 7,5 % des faits se font avec violence (menace incluse). Sur ces 7,5 % de violences lié aux vols 0,26 % se font à main armée (arme à feu), 0,5 % à l’arme blanche (majoritairement des couteaux) et la grande majorité à main nue 6,6 %.

En cas de menace le plus simple et de suivre les instructions sans paniquer, car la violence n’est pas dans l’intérêt du voleur. Si l’opportunité permet la contre-offensive, elle devra être sans hésitation, incisive et suffisante, car toute résistance maladroite sera immédiatement et sévèrement sanctionnée.

L’agresseur sexuel a en revanche un objectif incluant d’office l’atteinte physique. Il est donc exclu d’obtempérer. Il faut préciser que le violeur est rarement une personne qui présente un problème de santé mentale et qui rôde dans un parc. Il connaît généralement la victime et profite de sa relation de confiance avec elle pour l’agresser sexuellement[16]. La victime doit en parler au plus vite, car la situation a tendance à se répéter mainte fois. Dans le cas d’une tentative de viol associée à une réelle menace de mort, la question de la résistance est plus délicate. En dernier lieu, si la situation paraît désespérée, une solution simple consiste à faire ses besoins sur soi ce qui est répugnant et décourageant pour l’agresseur[17].

La grande majorité des violences (8 sur 10) ne sont motivées que par une problématique socioaffective. Souvent sans conséquence nombre de ces violences ne font pas l’objet d’une déclaration et ne rentrent pas dans les statistiques officielles.

4       la loi

La France est un état de droit et nul n’est censé l’ignorer. La légitime défense est définie et encadrée ainsi par le Code pénal :

«Nest pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.»

«Nest pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre lexécution dun crime ou dun délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction.» [Article 122-5 du Code pénal]

L’agression permettant l’utilisation de la légitime défense doit être actuelle (danger imminent), illégale (n’incluant pas les forces de l’ordre) et réelle (l’agression ne doit pas être supposée). Parallèlement, la défense doit être nécessaire (aucun moyen de se soustraire au danger), concomitante (réaction immédiate) et proportionnée à l’agression (sans excès dans la riposte).

Le devoir d’assistance à personne en danger fait aussi parti de la loi :

         «Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre lintégrité corporelle de la personne sabstient volontairement de le faire est puni de cinq ans demprisonnement et de 75000 euros damende.»

«Sera puni des mêmes peines quiconque sabstient volontairement de porter à une personne en péril lassistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.» [Article 223-6 du Code pénal]

Mais cette obligation d’agir s’accompagne d’une atténuation de la responsabilité pénale si l’action du sauveteur avait par malheur des conséquences accidentellement néfastes.

Une omission peut facilement se transformer en complicité, homicide involontaire ou en faute professionnelle. Il est évidemment inutile de jeter dans la gueule du loup et finir en victime supplémentaire. Aujourd’hui tout le monde peut chercher à appeler immédiatement les secours adéquats et cela même sans forfait téléphonique[18].

Port le port d’arme :

«Le port des armes de 1re catégorie (armes de guerre), de 4e (armes à feu dites de défense) ou de 6e catégorie (armes blanches) est interdit, même si la personne dispose d’une autorisation de détention d’arme, sauf pour des motifs professionnels ou légitimes. Pour les armes blanches non classées en 6e catégorie, le port est interdit sans motif légitime.» [Décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l’application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions]

Pour des motifs professionnels ou légitimes :

«Le port darme de 1re, 4e ou 6e catégorie peut être autorisé pour motifs professionnels (fonctionnaires de police ou des douanes, agents de surveillance, par exemple). Les membres d’associations sportives agréées (tir, arts martiaux) peuvent transporter des armes de 1re, 4e ou 6e catégorie, sous réserve de le faire avec un motif légitime. Lors de leur transport légitime, ces armes ne doivent pas être immédiatement utilisables soit : en recourant à un dispositif technique répondant à cet objectif, soit par démontage d’une de leurs pièces de sécurité.»

Le motif de la légitime défense n’autorise donc en rien un port d’arme. C’est à la police de définir sur place si un objet est une arme ou non et si le motif en est légitime et que toutes les mesures de précaution ont été prises. Le délit de sale gueule est donc à craindre tant pour l’arme que pour son porteur[19].

Obtenir réparation :

La procédure légale pour obtenir réparation d’une violence débute par un dépôt de plainte au poste de police. Il y a une demande de condamnation de l’auteur, accompagné d’une demande de réparation du préjudice, dommages et intérêts. Il faut avoir retenu le plus d’éléments factuels sur les lieux de l’agression (témoin[20], complice, plaque d’immatriculation…) sur l’agresseur (sexe, taille, âge, signe distinctif) et sur le déroulement de l’action (ce qui a été dit et ce qui a été fait). Si l’agresseur dénoncé est connu, il sera obligatoirement informé du dépôt de plainte ainsi que du nom du plaignant. Il est impossible de déposer plainte anonymement, mais il est possible de bénéficier d’une protection policière si le risque de vengeance de l’agresseur n’est pas négligeable. Pour ces raisons beaucoup de faits ne sont pas dénoncés.

La justice prend ensuite le relai. Les motifs d’accusation et la peine encourue dépendent directement des effets de l’acte incriminé : 

Pour ce qui est des coups et blessures volontaires, l’accusé est responsable de toutes ses conséquences, y compris de celles qu’il n’a pas souhaitées. S’il n’y a aucune lésion ou blessure, il n’y a qu’une contravention du tribunal de police[21]. Pour une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, le tribunal correctionnel est saisi[22]. S’il y a décès de la victime, ce sera à la cour d’assises de régler l’affaire[23].

Si les coups et blessures sont prouvés involontaires (imprudence, négligence, inattention ou non-respect d’une obligation de sécurité), il y a une diminution de peine[24]. En revanche toutes les peines sont aggravées si : la victime est un mineur de moins de 15 ans, une personne vulnérable (malade, enceinte…), un agent public, un avocat, un juré, une personne partie à un procès, ou si un lien particulier lie l’auteur à la victime (personne dépositaire de l’autorité, époux, concubin…) ou encore si l’auteur a agi en bande ou avec une arme[25].

Ce passage législatif un peu rébarbatif me semblait nécessaire lorsque l’on traite d’un sujet comme celui du combat martial. J’ai critiqué plus haut l’inefficacité pratique de certains styles martiaux, tel qu’ils sont pratiqués actuellement. Je me dois ici a contrario de critiquer les pratiques martiales qui ne métraient pas suffisamment en garde ces pratiquants sur les conséquences d’un excès de violence ou d’une riposte disproportionnée. Je suis moi-même adepte du maniement des armes et connaisseur de nombreuses techniques létales, mais cela ne fait pas de moi un être dangereux, car je fais la part des choses entre l’autodéfense civile et l’étude de système guerrier. Je suis régulièrement horrifié de voir certain maître montrer, pour une situation simple de menace, une pluie de percussion suivie une finition en clef cervicale (potentiellement 15 ans de prison).

«Primum non nocere» les arts martiaux civils ne doivent nuire à personne, mais protéger l’agressé comme l’agresseur[26]. Cette notion d’arrêt de la violence sera approfondie dans le chapitre 5.

[1] Est-il nécessaire de préciser le double sens de ce précepte ? Le monde n’est pas toujours tendre, mais nous constituons notre première menace par notre attitude.

[2] C’est le motif principal du déclenchement des querelles de voisinage, des violences conjugales et des guerres. L’homme ayant de fortes attaches matérielles il ne peut fuir aussi facilement que d’autres espèces.

[3] Quelque exemple : Le patron derrière son bureau dirige et ordonne les déplacements de ces salarier. Le maître d’école qui appelle au tableau les élèves.

[4] Tous lieux contenant de jeunes hommes alcoolisés en présence de jeunes femmes séduisantes sont « à risque » (bars, soirées, club…)

[5] La justice civile, à défaut d’être plus souvent préventive, sert en réalité de vengeance légale et encadrée afin de rétablir, bon an mal an, une notion d’équité. Malgré tout, cela ne satisfait ni ne dédommage parfaitement la victime. Seuls l’oubli ou le pardon mettent un terme aux souffrances et aux rancœurs. Néanmoins, vis-à-vis de la société, la justice met un terme aux conflits et permet d’éviter que le chaos s’installe. C’était le rôle des combats judiciaires antiques, ou la justice n’avait que faire de la vérité, mais cherché la fin du conflit civil qui opposer deux partis. La société avait plus à perdre du conflit que de la mort possible d’un innocent.

[6] À la différence des sports de combat, les arts martiaux authentiques envisagent la dimension asymétrique de la violence (surprise, terrain varié, handicape moteur, armes, différence de poids, de nombre…)

[7] Systématiquement bafouées

[8] « Gi-jutsu yori shin jutsu » l’art de la technique intérieure mentale est plus important que la technique physique. [5em kyokun (préceptes) du Karaté-jutsu]

[9] On entend souvent les termes japonais Bujutsu (la pratique de la technique authentiquement martiale) et de Budo (la pratique de la voie de la guerre) pour qualifier ces mouvements. En Chinois on obtient à la lecture des mêmes idéogrammes Wu Shu (Bujutsu) et Wu Tao (Budo). Kung-Fu (kempo) signifie simplement « art sublime » et s’étend à tous les arts.

[10] Pour information les USA se situent à la 99eme place et la Russie à la155 ème.

[11] Bulletin annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales janvier 2014 et de l’institut médico-légal (IML) de Paris, avril 2015.

[12] Selon l’ONUDC

[13] Eric Laulagnet, DVD, défense contre couteau, Indépendance Prod

[14] Lors d’un exercice, 85 officiers de police non avertis ont été attaqués subitement par un individu armé d’un couteau proférant des menaces de mort : 3 ont eu le temps de voir l’arme avant le contact physique, 10 se sont rendu compte de la présence de l’arme au moment du contact et un seul a réussi se défendre. Pire encore, 75 policiers sur 85 n’avaient toujours pas compris qu’ils avaient été agressés avec une arme avant la fin du scénario. Des expériences similaires ont été réalisées et filmées par Dan Inosentos (maître de Jet Cun Do et de Kali). Il en déduit qu’il faut au minimum 5 mètres (1 à 1,5 seconde) pour réagir à main nue face à un couteau et presque 7 mètres pour pouvoir dégainer l’arme de service et faire feu. Vidéo facilement trouvable sur internet.

[15] « Hito no teashi wo ken to omoe » (penser que les bras et les jambes sont des armes blanches) [15em kyokun (préceptes) du Karaté-jutsu] chaque attaque doit être considérée comme armé, car c’est peut être après l’attaque que l’on se rendra compte de la présence de l’arme.

[16]  L’article 222-22 du Code pénal indique que le terme générique d’agression sexuelle englobe toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Sur les agressions sexuelles répertoriées au Québec par le ministère de la Sécurité publique en 2013 dans 8 cas sur 10, l’agresseur est une personne connue de la victime. Chez les jeunes filles, les agressions sont plus souvent commises à l’intérieur du milieu familial par : un oncle, un cousin, un frère, un ami, un père, un conjoint de la mère, etc. Chez les jeunes garçons, les agressions surviennent davantage à l’extérieur du milieu familial, par : un entraîneur de sport, un professeur, etc. Dans 66 % des cas, l’agresseur commet son crime dans une résidence privée (généralement la sienne ou celle de la victime).

[17] De nombreuses femmes allemandes ont pratiqué ce genre de technique en s’enlaidissant et en se faisant dessus pour éviter les viols répétés des soldats russes lors de la chute de Berlin en 1945.

[18] Les pompiers au 18 pour les malaises, états de choc ou les blessures légères, le Samu au 15 pour les risques vitaux ou états graves (relié aux pompiers), la police (police Secours) au 17 dès qu’il y a agression ou accident impliquant un tiers. Le 112, reliés à toutes les autres instances, s’occupent des appels d’urgences au niveau européen.

[19] Pour un couteau, la règle des cinq doigts est une légende urbaine. Le délit de sale gueule s’aggrave néanmoins en fonction du cran d’arrêt, de sa longueur, de sa fonction… etc.

[20] Il est préférable d’avoir eu la présence d’esprit de prendre les coordonnés des témoins pouvant témoigner.

[21] La peine peut aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende

[22] La peine peut aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amande

[23] La cour d’assises va jusqu’à 15 ans d’emprisonnement

[24] Jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende en cas d’incapacité temporaire de travail de plus de 3 mois

[25] Le fait de pratiquer un art martial ne donne en aucune manière le statut d’arme blanche à un individu, c’est une légende urbaine. En revanche c’est un facteur aggravant en cas de faute avérée, notamment la disproportion de la défense face à une agression.

[26] En lui évitant de commettre un délit.

 

 

 

III     De la perception à l’action

 «Le fou réagit, le sage agit»

[Lao Tseu]

Ce chapitre développe l’aspect cognitif et émotionnel d’un individu en situation de violence. La compréhension du fonctionnement neurobiologique du combat de survie permet de prévoir un entrainement capable de surmonter les pièges cognitifs et renforcer nos réflexes naturels. La compréhension de ces mécanismes est indispensable à la construction d’une pédagogie d’apprentissage pragmatique. Négliger notre fonctionnement neurobiologique c’est perdre en pertinence dans son entrainement. En matière martiale mieux vaut ne pas se faire rattraper par la réalité lors d’une situation de survie.

La menace nous vient de l’environnement et notre action a pour but de l’empêcher ou de la supprimer. Le processus interne de perception, décision, exécution et rétrocontrôle fonctionne de manière connectée et autocorrective. La réponse proposée se fera, en rapidité et en pertinence, selon l’entrainement (expérience) de ce système par de nombreuses mises en situation, d’essais et d’erreurs.

1                   La perception

Le mécanisme de perception se définit par la mise en cohérence d’information extérieure (stimulus) et de sensations préalablement enregistrée (mémoire). Pour fonctionner de manière optimum, la perception a besoin des données conjointes de l’attention et de l’expérience.

L’attention fonctionne en gradients d’intensité : faible pendant le sommeil et maximal en état éveillé d’alerte. L’attention est à différencier de la concentration qui réduit l’attention à un seul objet (con-centré, centré sur…). L’attention est une connexion à l’instant présent sans crispation (a-tentions ; sans tentions). L’attention est un état mental dépendant des sens. Les cinq sens connus étaient (l’ouïe, l’odorat, la vue, le touché et le gout) complétés par bien d’autres moins connus, mais indispensables (proprioception, nociception, thermoception…).

Les sens se complètent les uns les autres pour percevoir le plus large spectre du rée[1]l. L’ouïe et d’odorat sont les premiers radars du corps. Ils fonctionnent en permanence et dans toutes les directions (360 °). L’ouïe a aussi une très grande capacité de discernement vis-à-vis de l’état psychologique des interlocuteurs à travers leurs tons de voix et leurs débits. La vue est un radar directionnel et adaptatif. Son angle de vision périphérique est de 180 ° et se précise sur les 3 ° de vision centrale. La vision périphérique, à l’inverse de la vision centrale, est peu précise, sensible au mouvement, mais peu aux couleurs. La vue comporte des faiblesses à prendre en compte. Elle n’est ni instantanée ni fluide, elle se fait de manière ponctuelle et rapide : une « photo » toutes les 1/40 de seconde. Un geste rapide peut alors être perçu sur une trajectoire erronée ou passer entre « deux images » et ne pas être vu du tout. De plus en combat la vision centrale, trop focale, est presque inutilisable. Malheureusement l’angle de vision périphérique a tendance à se réduire drastiquement sous stress. Un balayage rapide du regard droit gauche peut améliorer temporairement l’élargissement. Le touché est précis et spécifique. Mais pour sentir… il faut toucher. Les pressions cutanées donnent des informations sur la direction et la force exercée par l’adversaire avant que le mouvement ne soit visible. On peut alors connaître de manière assez fiable le placement du corps entier de l’adversaire et ses intentions (in-tention ; tentions interne). Il en va de même avec des vêtements ou des armes, la pression sera retransmise par l’objet[2]. Souvent et abusivement associée au touché, la nociception (douleur) agit comme garde-fou. Elle déclenche des réflexes qui permettent d’éviter l’aggravation des dégâts (clef articulaire, lacération, brulure). La proprioception contrôle la posture du corps dans l’espace. L’oreille interne, la vue et les capteurs plantaires permettent de situer la posture par rapport à la gravité (verticale et l’horizontale). Les capteurs articulaires quant à eux calculent les positions des membres les uns par rapport aux autres.

La grande majorité des stimuli perçus le sont de manière inconsciente[3]. Le traitement automatique (non-conscient) se fait de manière rapide, globale et continue, traitant plusieurs informations simultanément. Le mécanisme inconscient est peu couteux en attention et peu sensible aux interférences[4]. Si l’une des informations collectées dérive trop de la norme, elle remonte soudainement à la conscience manière émotionnelle (système limbique). Inversement le traitement conscient (néo cortex), lent et dissipé, ne peut traiter qu’une information à la foi. On comprend donc l’importance accordée au vide de pensée dans l’art du combat ancestrale.

L’expérience représente la base de données des stimuli, conséquences et réactions innés et ceux enregistrés tout au long de la vie ainsi. Pour ce qui concerne le danger et l’agression, ces informations vitales sont stockées dans le centre nerveux nommé amygdale. Directement lié avec les voies sensitives, il filtre et compare en permanence toutes les données afférentes en termes de dangerosité. C’est une sorte de chien de garde qui aboie au moindre signe de danger. Il faut régulièrement le calmer de manière consciente.

Le processus de perception ce déroule en trois étapes : La première consiste à sélectionner les informations pertinentes pari des milliers de stimuli qui nous parviennent. Si ce processus est mal fait, on se retrouve rapidement débordé et désorienté. La seconde étape permet de généraliser la situation pour prendre de l’avance sur l’action. L’amygdale considère que ce qui s’est déjà passé plusieurs fois dans un même contexte ne peut que se reproduire de nouveau. Il peut y avoir des erreurs d’interprétation pour des situations semblables, mais dans l’ensemble le processus est redoutablement efficace[5]. La dernière étape consiste à distordre l’ensemble des données. Ce processus permet de fluidifier et lisser les informations parfois discordantes. Le résultat est aussi rendu plus conforme à nos certitudes et nos croyances, quitte à modifier ou inventer des sensations supplémentaires. C’est la partit la plus enclin au biais cognitif tant pour le novice sans expérience que pour le pratiquant trop plein de certitude.

L’ensemble du processus de perception dure 150 ms et varie en fonction de la concentration de l’individu et de la complexité du stimulus.

Une formation martiale bien construite permet d’enrichir de manière pertinente l’expérience du pratiquant face à la violence. La confiance raisonnée en soie et en sa formation permet de se laisser davantage porter par l’intuition[6]. L’intuition permet en retour la perception optimum de la situation.

2                   La décision

Après avoir perçu des signes de danger, le processus décisionnel permet de sélectionner une réponse adaptée pour répondre à la problématique. Au sein du cerveau, trois circuits coexistent, du plus simple au plus complexe et respectivement du plus rapide au plus lent[7].

Le cerveau reptilien «premier cerveau» à être apparu il y a 300 millions Année. C’est un système neurologique simpliste, complet et autonome qui assure la survie de l’individu et de son espèce[8]. C’est de ce fait le système d’intégration le plus rapide des trois « cerveaux ». Il est en charge de notre instinct de conservation et de défense. En cas de risque vital imminent, le cerveau reptilien est capable de prendre le contrôle total et de court-circuiter la réflexion. Ces réflexes « reptiliens » innés ne peuvent pas évoluer avec l’expérience ni s’adapter à une situation. Quantitativement, l’intensité de la réaction se fait en fonction du degré d’hostilité perçu (pourcentage de chance d’y rester), du temps nécessaire pour réagir (vitesse de survenu et d’aggravation), du niveau de confiance du pratiquant (connaissance et maitrise des stratégies) ainsi que de son niveau de fatigue et de l’expérience. Qualitativement, il entraîne des comportements stéréotypés et préprogrammés (réflexe), sans contrôle de la volonté. Un même stimulus entraîne toujours une même réponse et la séquence de mouvement engendré tend toujours à aller jusqu’au bout de son déroulement.

Le cerveau limbique est «sensible» à l’agréable, désagréable, peur, honte ou orgueil. C’est le centre fonctionnel en charge des rituels socioaffectifs, principalement motivés par la volonté de domination. L’orgueil en est le moteur et le plaisir en est la récompense. Contrairement au cerveau reptilien, le système limbique est aisément conditionnable par punition ou récompense[9]. On peut donc le formater à volonté, surtout durant la jeunesse (réflexe de Pavlov). En condition de survie, le cerveau limbique ne sera pas d’un grand secours. En plus d’être plus lent, il risque de faire une bêtise par fierté, en cherchant par exemple à dominer la situation. Le traitement limbique sera en revanche adapté pour répondre aux conflits d’origine rituels. Les émotions peuvent être malgré tout utilisées pour l’agression. Le conditionnement opérant des soldats, kamikaze, obligé d’aller vers une mort certaine, ne peut se faire que par un endoctrinement limbique capable de court-circuiter les réactions reptiliennes[10].

Le néocortex traite intellectuellement les informations de manière consciente. Il sait qu’il sait et fait des choix. Anatomiquement, il se compose principalement du néocortex frontal et des aires du langage. Son grand défaut et de croire qu’il domine alors qu’il n’est que serviteur[11]. Il organise, il planifie, il développe. Il se satisfait dans la complexité des résonnements. Une fois un choix fait, il va le soumettre aux autres strates et c’est long. L’intellect a néanmoins un rôle à tenir dans la construction d’un savoir technique et pédagogique martial efficace. C’est de cette réflexion que naissent les grands principes des écoles martiales ainsi que la stratégie (art de prévoir, d’anticiper et de prévenir), la tactique (déroulement des opérations) et la technique (mécanisme d’action).

Il existe trois grands types de réactions innés fasse a une situation de stress intense[12] :

L’inhibition apparait en cas de blessure grave ou d’incapacité à gérer la situation. L’individu se fige, muet, et parfois tétanise et s’évanouit. Cela peut être d’une aide efficace au camouflage[13] ou d’éviter un geste malencontreux (précipice, arme, véhicule…) ou aggraver les blessures (hémorragie, fracture…). L’évanouissement permet dans ce cas une mise au ralenti immédiat des fonctions vitales, ce qui permet d’économiser l’énergie restante, de diminuer les pertes de sang en cas d’hémorragie ou d’économiser l’oxygène en cas d’étouffement (étranglement, asphyxie…). L’inhibition peut aussi bien durer qu’un court instant de mise au point.

La fuite permet de se placer rapidement hors de danger. C’est à priori la solution idéale pour s’éloigner du danger, mais cela n’est pas toujours possible (espace exigu, blessures invalidantes, tierce personne à défendre…). Les blocages défensifs sont considérés comme de la perte de temps par le cerveau reptilien qui préfèrera opter pour l’esquive.

La lutte pour la survie se limite à des séries de frappes explosives et sans temps d’appel. Aucune défense n’est prévue. Le seul but consiste en la déroute de l’agresseur selon le proverbe : « la meilleure défense c’est l’attaque ». Attaquer brutalement de cette manière en direction des parties vitales déclenche chez un agresseur un réflexe inné de fuite. C’est ce type de réflexe qui est recherché dans l’art des frappes aux points vitaux[14].

Les systèmes martiaux se servent de ces réflexes reptiliens et du mécanisme de généralisation pour construire des systèmes réflexes qui pour chaque situation déclenche une réaction programmée. Si toutes les situations ne peuvent ne pas être prévues pour cela, chaque technique enseignée devra pouvoir fonctionner dans un grand nombre de situations similaire. Les techniques défensives tous comme celle incluant des saisies ne semble pas faire partie du bagage inné de survie. Ces techniques apparaissent lors ce que l’on choisit consciemment de faire face au danger. Sella est parfois nécessaire pour défendre quelqu’un ou pour maitriser un individu violent.

3       L’exécution

L’influx nerveux, contenant les ordres à exécuter, quitte le cerveau pour se répandre en message hormonal et nerveux. L’ensemble du squelette se met alors en mouvement selon les capacités physiques de l’individu. Le temps de transmission du message efférent est court (70 ms) en comparaison au temps nécessaire à la perception et à la décision (225 ms)[15]. S’entrainer à augmenter la vitesse d’exécution à vide ne pourra avoir les résultats significatifs d’un entrainement perceptif déguisé et un conditionnement réflexe adapté.

Toutes les capacités du corps ne sont rien sans une bonne santé. Même le meilleur des combattants ne pourrait rivaliser avec un novice s’il souffre de 42 ° de fièvre ou d’une hernie discale lombaire aiguë. Les guerriers d’autrefois faisaient de leur mieux pour ne jamais se blesser ni tomber malades. Nul ne connait le lieu ni l’heure[16]. Le sport est pratiqué aujourd’hui de manière trop sporadique et agressive pour notre organisme sédentaire. La santé n’est pas suffisamment prise en compte par les pratiquants. Un guerrier préserve toujours ces forces, mais cela ne signifie pas que son entrainement est de tout repos[17].

Il n’est pas possible de parler d’exécution physique sans souligner les grandes inégalités physiques qui existent au sein de la population (sexe, poids, taille, carrure, musculature et nervosité). Ce potentiel physique de base peut être modifié à grande peine par l’entrainement, mais dans des proportions relativement faibles. Ce travail doit malgré tout être fait pour au minima obtenir un corps fonctionnel et en bonne santé.

La force dépend plus de la qualité et de la quantité de l’influx nerveux moteur que du volume du muscle effecteur. De ce fait nos capacités physiques maximales sont bien plus grandes que ce que l’on pourrait croire. Dans des conditions de stresse, de folie ou sous l’emprise de drogue nos capacités physiques peuvent subitement décupler. En temps normal le corps refuse de s’infliger une tension musculaire maximale et la volonté n’a pas les moyens de faire fléchir ce cran de sécurité[18]. En revanche renforcer la solidité de ses tendons et sa stabilité articulaire permet d’augmenter ce seuil sans ce blessé[19].

Le martial préfère orienter son énergie dans l’apprentissage de mécanismes exploitables par tous[20]. Bien sûr il faut développer de la force dans un combat. Pour cette raison un individu fort aura toujours un avantage sur un faible. Luis opposer force contre force ne peut mener qu’à l’échec. En retour le défaut de la force est de ne croire qu’en la force. Le premier des principes dans ce domaine est l’efficience. Il faut distinguer l’efficience de l’efficacité. L’efficacité est le rapport satisfaisant entre les résultats obtenus et les objectifs fixés. L’efficience améliore la rentabilité des moyens entrepris par rapport au résultat obtenu. L’efficience c’est pouvoir faire plus avec moins. Pour devenir efficient, il faut choisir avec pertinence son objectif et avoir conscience des moyens que l’on possède pour y parvenir.

La force et la vitesse sont deux notions bien distinctes qui doivent être travaillées séparément[21]. La vitesse dépend plus de la vitesse de réaction que de la vitesse d’exécution. Pour augmenter la vitesse inutile d’accéléré, il faut relâcher les tensions superflues qui freinent le mouvement. Pour augmenter le nombre d’actions en un minimum de temps, il faut en réduire les trajectoires et les enchainer de manière naturelle et pertinente.

Dans le cadre d’un effort maximal en force autant que dans le cadre d’une répétition frénétique d’un geste simple[22] plusieurs paliers, neurologiques et énergétiques, se présentent. Pour des efforts maximaux, le stock de neuromédiateur est le premier à s’épuiser (7 s) et le mouvement ralenti de temps de la reconstitution du stock (7 s). Le corps possède environ 15 secondes d’énergie immédiate (glucose et oxygène) stockée dans les muscles et dans le sang. L’intensité de l’effort baisse en attendant que le stock soit renouvelé par le foie (30 s). Si l’effort nécessite plus d’oxygène que celui disponible dans les cellules, un mécanisme anaérobie se met en place. Ce mécanisme est capable de produire de l’énergie sans apport d’oxygène. Le rejet inévitable d’acide lactique qui finit néanmoins par empêcher toute possibilité de contraction. Le sang vient alors réguler la situation en drainant les déchets et en fournissant à nouveau de l’oxygène et du glucose aux cellules. Lors d’effort d’endurance soutenu comme des courses de demi-fond (5 km), le foie libère de grandes quantités d’énergie dans le sang. Au-delà de 30 minutes d’effort, l’énergie de la dégradation des graisses vient prendre la relève. Le débit de libération d’énergie des graisses est assez faible, mais peut durer plusieurs jours alors que le foie se vide en quelques heures lors de gros effort.

Lors d’un stress aigu, le corps déverrouille ses crans de sécurité. Il accepte le risque probable de blessure et ne se limite plus à la douleur. La force augmente de 30 % à 50 %[23].

En condition de combat sportif, il faut 15 minutes d’effort pour produire une sécrétion d’adrénaline et d’endorphines significative. Lors d’un stress intense, inverse ce mécanisme[24]. Le cerveau reptilien active le système nerveux sympathique qui sécrète brutalement un grand nombre d’hormones (adrénaline, noradrénaline, ACTH, ocytocine, vasopressine et endomorphique). Ces dernières vont agir sur l’augmentation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et respiratoire, sur la dilatation de la pupille, sur la libération de glucose par le foie, la broncho-dilatation (augmentation des capacités respiratoires), l’excitation des glandes sudoripares (sueur froide) et sur la vasoconstriction périphérique (peur bleue). Le dosage hormonal est très important, car au-delà d’une certaine dose, le mécanisme devient contre-productif. Un surdosage peut entrainer des extinctions de toute capacité de réponse cohérente.

Le rythme cardiaque peut passer en l’espace d’une demi-seconde de 70 battements par minute (rythme moyen au repos) ver un maximum de 220 battements par minute (maximum théorique). La fréquence respiratoire augmente de 15 cycles par minute (rythme moyen au repos) à plus de 60. En revanche l’amplitude pulmonaire (volume) diminue en proportion de l’augmentation du rythme. La respiration thoracique (haute) prend le pas sur la respiration abdominale (basse). L’hyper ventilation a pour conséquence d’éliminer trop de Co — dans les bronches et dans le sang (hypocapnie). Cette baisse de Co — — provoque l’élévation de l’acidité sanguine (alcalose respiratoire). Cette dernière est responsable d’une grande partie des symptômes physique de la peur[25].

Tous ces phénomènes d’hormone et d’emballement vont avoir des répercussions sur l’organisme[26]. La motricité fine (écriture) se trouve affectée à partir de 115bpm. La motricité complexe (gymnastique) en revanche s’optimise aux alentours de 130bpm et se dégrade au-delà de 145bpm. Une foi 175bpm dépassée tous les mouvements se trouvent fortement affectés. La technicité d’un combattant disparait complètement. On observe alors une accélération frénétique de la gestuelle couplée d’une réduction des amplitudes, une diminution de l’indépendance des membres, relayés par des gestes symétriques (poussé, titrer, courir). Pour finir, des boucles réflexes se mettent en action, martelant sans arrêt un même geste (efficace ou non). Le délabrement gestuel des mouvements entraine des temps d’appels visibles et prévisibles, grossier voir dangereux pour l’équilibre de l’individu[27].   L’audition est atténuée et exclut même parfois certains sons. Le champ visuel se rétrécit progressivement de 145 à 175bpm. Au-delà les informations issues de la vision périphérique ne sont plus du tout analysées par le cerveau. On voit comme travers un tube. L’individu agressé n’a d’autre choix que de se fixer toute son attention sur la menace, jusqu’à son élimination. La difficulté d’accommodation de près oblige parfois à prendre de la distance. Certains détails anodins peuvent subir de fortes amplifications. La perception de la vitesse se modifie et permet de voir les évènements se dérouler au ralenti. La sensation de douleur se déconnecte parfois jusqu’à l’anesthésie complète grâce au shoot d’endomorphines (semblable à la morphine). Les perturbations cognitives poussent le cerveau reptilien à répondre par automatismes intégrés[28]. Il peut n’y avoir aucun souvenir ultérieur de l’évènement. La vasoconstriction périphérique permet, à défaut de réfléchir, de maintenir la masse sanguine en profondeur dans les organes vitaux. Ainsi des blessures importantes peuvent saigner légèrement et se transformer en hémorragie grave lors du retour au calme. Il est aussi fréquent qu’il se produise un vomissement ou une émission involontaire d’urine et de matière fécale. Ce phénomène trouve son utilité dans l’évacuation de tous les contenus inutiles et encombrants. La génétique n’avait pas prévu l’invention du pantalon…

Même si le système peut dysfonctionner en cas de panique, l’ensemble de ces mécanismes sont vraiment utiles. Le but de la manœuvre est de préparer le corps à l’action de produire une répercussion positive sur l’environnement et la menace.   

4       Le rétrocontrôle           

         Le mécanisme de rétrocontrôle permet de faire le lien entre ce qui a été décidé et l’effet produit. Il est en permanence nécessaire d’ajuster les techniques afin d’en optimiser le résultat à long terme (expérience), mais aussi à court terme (dans la seconde). Dans le cadre d’un engagement, le cerveau se pose de rapides questions : mon état physique et mental de stress permet-il de répondre à la situation ? Ai-je réussi à éliminer la menace ? La technique employée permet-elle de résoudre le problème ? Doit-on poursuivre ou changer immédiatement de stratégie ? Ai-je été blessé ?…

         La première chose d’ajuster le stress a la situation afin de se maintenir ou de revenir en dessous de 130bpm. Un individu a plus de chance de paniquer s’il ne s’attend pas à ressentir la peur ou s’il n’en a aucune expérience. Pour une personne inexpérimentée, le rétrocontrôle pourra même aggraver la situation. Le ressenti de la peur entrainera une nouvelle boucle d’aggravation autogénérée qui libérera plus d’adrénaline jusqu’à la panique totale[29]. Il est donc préférable de se familiariser progressivement au stress et a ces effets pour apprendre à travailler ces techniques dans de telles conditions[30]. Personne ne peut se soustraire à la sensation de peur. Le mécanisme est inné et automatique, il est donc normal de le ressentir. Le prédateur se sert justement de la peur comme arme. Il ne faut pas lui laisser cette emprise. Il faut donc se convaincre que le corps ne travaille pas contre nous. Il ne dysfonctionne pas, il se met simplement en action.

Les techniques de régulation du stress sont de trois ordres : cognitifs respiratoires et vagaux. Le contrôle mental ne peut se faire que si l’on dispose de connaissance concernant les schémas de prédation humaine et des options stratégiques envisageables (soumission, négociation, intimidation attaque, fuite). Il est tout aussi nécessaire d’avoir confiance dans ces capacités à agir (sans conflit moral), en ses capacités d’élévation de vigilance et d’intuition, de la mémoire de ses expériences et dans son système de combat (toujours fonctionnel au-delà de 130 bpm). Le contrôle ventilatoire joue sur l’hyperventilation (alcalose respiratoire) et la sensation de peur. Le travail diaphragmatique (respiration abdominale) permet de ralentir la respiration en gonflant et dégonflant amplement le ventre[31] pour limiter l’élévation de la poitrine. La redescente en respiration basse permet de diminuer l’amplitude respiratoire et de détendre de la musculature du cou et des épaules. L’insertion d’apnée, en allongeant de quelques secondes la fin de chaque inspiration et expiration, permet de garder de ralentir la fréquence respiratoire et de faire remonter de taux de Co — dans le sang[32]. La technique vagale permet d’agir sur le système sympathique par l’intermédiaire de la pression artérielle (réflexe barosinusien de Vasalva) en augmentant artificiellement la pression interne[33]. L’essentielle c’est de bien comprendre qu’en situation de combat stress seul le souffle compte. Il est inutile de chercher a inspiré sella se fait automatiquement par retour élastique des tensions musculaires. Le souffle contrôlé doit toujours accompagner une technique offensive et défensive ou un impact[34].

La deuxième question du rétrocontrôle porte sur les effets de la stratégie. C’est le moment de vérifier si la réponse choisie fonctionne efficacement ou non. Une erreur courante dans un combat est de s’enferrer trop longtemps dans une technique, ne serait-ce qu’une fraction de seconde. Moduler sa technique à l’instant où l’on ressent une résistance ou un danger est l’une des choses les plus difficiles à maitriser. La tendance à persévérer dans une technique empêche toute efficience. La technicité et l’amélioration de la perception permettent de reprendre la situation en main dès l’instant où l’adversaire applique un contre. Pris au même piège, l’adversaire continuera alors son action dans le vide à notre profit[35].

Le troisième point du rétrocontrôle consiste en un bilan rapide de la situation à distance. Nous avons vu plus haut que le stress pouvait anesthésier le corps et que des blessures graves pouvaient ne saigner que faiblement. Une inspection rapide permet d’éviter l’aggravation d’une blessure et d’y porter les premiers soins ou d’appeler de l’aide[36]. Il se peut aussi que ce soit d’autres personnes qui aient étés blessées ou en état de choc. Si l’on n’est pas soi-même en état de pouvoir leur procurer une aide efficace, il faut s’assurer que d’autres le font. Si une menace continue de peser sur vous ou sur d’autre personne (complice, feux, explosion, avalanche…), il faut rapidement en référer aux autorités adéquates (pompier, SAMU, police). Si le problème risque de se répéter dans le temps, comme pour des violences intrafamiliales, il faut absolument chercher à en parler avant que cela ne dégénère. La recherche de témoin est souvent oubliée. En cas de procès il est difficile d’en retrouver a posteriori. Il suffit de prendre un nom et un numéro de téléphone.

[1] Il faut bien différencier le réel de ce que l’on en perçoit.

[2] La prise de fer en escrime (pression lame contre lame) en est un bon exemple.

[3]   Schiffrin et Schneider, 1977

[4] Il fonctionne même quand notre esprit n’est pas concentré. Une concentration inappropriée peut en revanche altérer la perception du réel (ex hypnose).

[5] Les mises en situation des entrainements doivent donc coller au plus proche de la réalité et proposer de nombreuses variantes de situations pour ne pas altérer cette généralisation au détriment du pratiquant.

[6] Forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement.

[7] Le modèle du cerveau triunique introduit par Paul Mac Lean en 1969, offre un outil théorique, aujourd’hui controversé, mais permettant au moins pédagogiquement de modéliser l’architecture fonctionnelle du cerveau. Mac Lean représente ainsi nos trois strates de cerveaux apparus successivement au cours de l’évolution. Le cerveau intellectuel est 5 fois plus lent que le cerveau mammifère qui est 5 fois plus lent que le cerveau reptilien. Plus on pense consciemment plus on est lent, car il y a davantage de connexion synaptique misent en jeux.

[8] Sa fonction est d’assurer l’homéostasie du corps et l’assouvissement des besoins vitaux (alimentation, sommeil, reproduction…). Il est le gardien de tous les programmes moteurs innés (la marche la nage, etc.).

[9] C’est aussi dans cette strate fonctionnelle que résident les croyances et les certitudes de la personne. L’affect est imperméable à l’intellect, ce dernier n’a pas ou très peu de prise sur lui. C’est pour cela qu’il est si dur de convaincre par la logique quelqu’un ancré dans ces croyances alors que cela est possible en passant par ces sentiments. C’est par l’affect que l’on peut manipuler et endoctriner un individu jusqu’au fanatisme.

[10] Un adversaire pleinement déterminé est un adversaire redoutable, car, quel que soit l’avantage que l’on puisse avoir sur lui et malgré ces blessures, il se battra jusqu’au dernier souffle. Si l’on n’a pas soi-même assez de détermination, aucun avantage ne pourra être suffisant. En Indonésie à la fin de la guerre du pacifique les Américains furent obligés d’augmenter le calibre de leurs armes de poing et se munir de collier de cuir pour protéger leurs cous. Même touché plusieurs fois par bale les combattants indonésiens réussiraient à arrivés au corps à corps pour égorger les soldats à la machette.

[11] La majeure partie du temps, l’intellect invente une bonne raison pour justifier des actions dictées par le plaisir, les croyances ou les nécessités vitales. Le néocortex se dupe lui-même, car il n’est à l’origine d’aucune action ou presque.

[12] Ces trois types de réactions se retrouvent aussi au niveau limbique et intellectuel pour des conflits les consternant : 

Pour le cerveau limbique, l’inhibition est liée au rituel de soumission : on arrête de parler, on s’excuse, on baisse la tête, on se fait petit dans l’espoir de se faire oublier et l’on subit l’éventuelle humiliation. La fuite n’est pas forcement physique, mais émotionnel. La lutte limbique est rituelle, c’est-à-dire constituée d’empoignade ou d’invectives sans réelle conséquence. La violence rituelle intérieure peut heureusement être détournée sur d’autres d’autre tâche n’ayant rien à voir avec le conflit initial. C’est tout l’intérêt de faire du sport ou une autre activité physique (chant, dessin, jardinage). Ce mécanisme permet de rester en bonne santé (évacuation du stress), et cela même si le problème initial n’est pas résolu. Le suicide est souvent considéré comme la dernière violence (lute) que s’inflige in individu pour se libéré, faute d’avoir pu, après trop d’inhibition, l’extériorisé son agressivité et son désespoir sur autre chose.

Pour le cerveau intellectuel, l’inhibition est tout simplement l’arrêt de la réflexion. La non-réflexion nous évite la migraine. La fuite ne sera autre qu’un détournement des facultés intellectuelles ver d’autres sujets. C’est une forme d’oubli de la problématique. La « lutte », appelée plus justement travail intellectuel, est la plus belle capacité que l’évolution nous a offerte. L’intellect produit la science et la technologie. Néanmoins il ne faut pas perdre de vue que notre réflexion est à 99 % dominée par nos instincts rituels.

[13] Beaucoup d’individus ont eu la vie sauve lors de bataille ou fusillades en se faisant passer pour mort au milieu des cadavres ou en se tapissant, sans bouger durant des heures dans un recoin.

[14] Dim-Mak (touche mortelle) en Chinois ou du Sapo Japonais [Henri Plee].

[15]  [Bernard Renaud, mars 2004, l’imagerie fonctionnelle électrique et magnétique : ses applications en sciences cognitives, éditions Hermès, ISBN : 2-7462-0837-7. Chapitre Perception, Décision et Attention visuelle : Ce que les potentiels évoqués nous apprennent sur le fonctionnement du système visuel. De Rufin Van Rullen.]

[16] Sauf évidemment les sports de combat qui fixent les dates des compétitions et peuvent programmer les entrainements en fonction.

[17] De lourdes courbatures et douleurs articulaires sont désormais considérées comme normales voir bénéfique après un entrainement sérieux. C’est absurde ! Les courbatures sont le signe que les paliers de progression n’ont pas été respectés. En plus de détériorer lentement le corps, on se rend vulnérable. Des entrainements rythme par des massages russes, conditionnement au froid, étirement, travaille du souffle et apnée, une diète spartiate (un seul repas par jour le soir), forgent une volonté d’acier dans un corps endure, en pleine santé, libérée de ces tensions.

[18] La contraction totale d’un muscle s’appelle la tétanie et c’est extrêmement douloureux. Une telle contraction peut aller jusqu’à endommager le muscle, les tendons et les os. Pour se faire une idée, une crampe n’est que le début d’une tétanie.

[19] Comme la très justement analyser George Hébert officier de marine et fondateur du parcours du combattant dans l’armée française dans sa « Méthode naturelle » en 1902 : « il suffit à un quadrupède de marcher, de courir, de sauter, de faire avec ses membres ou son corps tous les efforts utiles à son entretien ou à sa défense pour parvenir à son développement complet », mais faut-il encore le faire. Nos sociétés modernes de confort nous handicapent au point où nous en sommes contraints de faire du sport, c’est-à-dire des efforts pour rien hormis pour notre santé physique et psychique. « Rien, pour l’homme normal, n’est usant et détruisant autant que le repos physique continu. » (D r Heckel.) G.Hébert pointé aussi du doigt le fait que « Les plus remarquables spécimens humains de force, de beauté et de santé se rencontrent surtout parmi les individus de certaines peuplades sauvages ou de tribus dite non civilisées (nègres, indiens…) qui n’ont jamais connu ni pratiqué que les exercices naturels et utilitaires. »

[20] « Seule l’absence de toute sensation de puissance ou de résistance musculaire garantit l’efficacité du coup (technique). » [Shigeru Egami] disciple de Gichin Funakoshi fondateur du karaté Shotokan (19 121 981) « L’idée de frapper fortement ou faiblement est insensée. Il faut avant toute chose frapper pour de bon. » [Miamoto MusaShi. Gorin-no-shô] « Seiryoku zenyo » (la meilleure exploitation de l’énergie) [Jigoro Kano] principe premier du fondateur du Judo.

[21] « Les gestes d’un pratiquant authentique de l’art du combat ne sont jamais précipités. Ils sont toujours dispensés au moment opportun. […] la trop grande rapidité augmente les risques d’accident et la trop grande lenteur vous éloigne du moment opportun. » [Miamoto MusaShi. Gorin-no-shô]

[22] Pour donner une idée en 1984, à l’université d’Harvard à Boston (USA) Wiliam Chung établit le record du monde du nombre de coups de poing donné à la seconde (dans le vide) : 8,3 coups par seconde. La majorité des pratiquants de haut niveau frappe entre 5 et 6 frappes par seconde ce qui est déjà énorme.

[23] Sports Science: MMA fighter Houston Alexander’s Adrenaline shot

[24] Il ne sera traité que du stress aigu activant l’axe catècholaminergique à déclenchement immédiat (moins d’une seconde). L’axe corticotrope responsable du stress chronique à un déclenchement lent (10 à 30 min). Les techniques de sophrologie classique agissent sur le stress chronique, mais ne sont pas pertinentes sur l’aigu.

[25] Lors d’une activité physique c’est l’inverse se produit. On consomme trop d’oxygène et on se surcharge en Co². L’accélération du rythme respiratoire et cardiaque est dans ce cas consécutive au manque d’O². L’emballement respiratoire du sportif est un essoufflement qui n’a rien à voir avec celui généré par le stress.

[26] Cratty1973 et Siddle 1995

[27] Armement évident des coups, torsion exagérée du buste, déplacement latéral du poids de corps d’une jambe sur l’autre et piétinement grossier.

[28]  Il a été constaté que lors d’affrontement armé que des séquences automatiques été resté identique à celle qui avait été apprise machinalement à l’entrainement y compris les étapes protocolaires (ramassé et nettoyer les douilles). Il est donc important de travailler des séquences de combat du début à la fin sans interruption.

[29] Les paniques peuvent prendre différente forme : agité et désorganisé, à basse de répétition cyclique de mouvement inefficace (persévération), de fuite panique et suicidaire ou encore de hurlement, des états de sidération voir de catalepsie avec sensation de sorti de corps. L’évanouissement arête la machine qui dysfonctionne de trop.

[30] Quelques exemples : travaille d’hyper ventilation, apnée forcée, douche froide, oppression en combat, coup porté à puissance réelle, immobilisation à trois contre un, de nuit, dans l’eau… Les exercices d’imagerie mentale permettent de visualiser des situations extrêmes et de se représenté en train d’agir sans danger au milieu. Les circuits de la mémoire ne distinguent pas le réel de la visualisation. L’entrainement est gratuit et sans dangers, néanmoins il faut se mettre dans les conditions émotionnelles adéquates et réalistes. Les techniques seront assimilées dans la mémoire cognitive (technique réfléchie) et émotionnelle (technique ressenti) pour obtenir un déclenchement quasi automatique le moment venu. La sensation de peur chez un combattant expérimenté doit devenir rassurante, car il sait à cet instant que son corps est prêt au combat.

[31] C’est le lieu du Tantien ou du Hara des traditions asiatiques (siège de l’âme au Japon). Le travail de la respiration a une très grande importance en Asie. Nombre de ces techniques étaient gardées secrètes.

[32] En cas d’emballement irrépressible, il est possible de « respirer » à vide, c’est à dire respirant avec le thorax tout en bloquant l’entrée d’air (respiration paradoxale). Pareille à un piston le diaphragme aspire le ventre lors de l’inspiration et le gonfle lors de l’expiration. Le mouvement abdominal s’inverse par rapport à une respiration normale. Une autre technique, utilisé médicalement pour le contrôle des crises d’angoisse, consiste à respirer dans un sac ce qui a pour conséquence d’augmenter progressivement la concentration de Co — inspiré sans changer le rythme respiratoire. Cette technique n’est évidemment pas exploitable en combat.

[33] Pour maximiser le résultat, la médecine préconise une apnée sur une inspiration forcée. En combat il n’est pas nécessaire de remplir les poumons à fond. Il suffit de pousser, sans relâcher l’air pour créer une pression suffisante.

[34] Le souffle contrôlé provoque une augmentation momentanée de la pression interne couplée d’un relâchement musculaire global. Ce mécanisme de pression facilite la transmission de force à travers le buste. C’est pour cette raison que les tennismans soufflent ou crient lors de la frappe. Lors de l’absorption d’une frappe la pression permet repartir l’énergie de la frappe comme sur un ballon. Si l’énergie de la frappe est puissante, le trop-plein d’énergie reçue sera immédiatement évacué par l’augmentation du débit du souffle.

[35] Cette technicité n’est pas une feinte, car la première technique avait pour objectif d’aller au bout et a été modifiée en fonction d’un imprévu. L’or d’une feinte on sait préalablement à l’action que l’on va changer de tactique avant même d’achever le premier coup.

[36] Le risque d’agression susceptible d’entrainer des dégâts physiques sérieux est insignifiant comparé au risque et aux conséquences des accidents de la route ou des accidents domestiques (61 % des accidents de la vie courante) : chute, électrocution, brulure, fracture, hémorragie, suffocation… un art martial bien enseigné ne se limite pas à l’agression, mais a tout ce qui présente un danger et un stress pour le corps.

 

 

IV.    Structure et équilibre

« L’univers et le corps humain sont une même chose. Si l’on ne sait pas cela, on ne comprend pas l’aiki. Parce que l’aiki est issu du mouvement de l’ensemble de l’univers.»

[O Sensei Ueshiba fondateur de l’aïkido]

Après un chapitre essentiellement orienté sur les mécanismes psychiques et neurologiques du combat, il est de temps de s’intéresser à la biomécanique et aux lois physiques.

L’univers (uni-vers) est par définition un tout unifié don nous faisons partie. Celui qui y vit en harmonie ne ressent aucune contrainte, mais celui qui s’y oppose ne rencontre que des résistances. Les victoires acquises par la force ne sont que partielles et temporaires[1].

Le premier point dépend de l’équilibre dans son sens le plus large. Plusieurs définitions de l’équilibre existent. En physique mécanique l’équilibre (aequilibrium : exactitude des balances[2]) est défini comme l’état d’un corps maintenu en repos. Le vivant est en perpétuel déséquilibre. La stabilité d’un être dépend alors de sa capacité à osciller autour de l’équilibre et de pouvoir y revenir après s’en être écarté. En médecine on appelle cela l’homéostasie.

J’aimerai y ajouté une touche d’alchimie issue de la « langue des oiseaux » : « Equi-libre » peut y être entendu comme « également libre ». La vision dynamique de ce point de vue poétique me semble juste. Prendre l’avantage en combat c’est diminuer la liberté de l’adversaire et avoir le contrôle d’une situation c’est pouvoir décider de sa propre liberté. C’est par ce jeu que l’on met un adversaire échec et mat en le privant de toute possibilité de réponse sans avoir à lui porter le coup de grâce. 

Le second point dépend des formes de corps ou posture qui préparent le corps à l’action. Ces postures sont notamment produites par l’état mental et émotionnel de l’individu. L’observation de l’attitude et de la posture d’un individu est une fenêtre sur sa psychologie (peur, confiance, arrogance, bienveillance…) et de son état de santé (boiterie, raideur, maladie…). Une seconde suffit à un agresseur aguerri pour savoir comment choisir puis aborder une proie tant physiquement que psychologiquement.

La structure a un rôle mécanique déterminant dans la qualité technique d’un combattant. La structure permet de se passer de la force brute au profit d’un placement juste. C’est l’une des bases de l’efficience.

Si la majorité des postures martiales académiques sont mesurées et élégantes, le combat de survie semble chaotique. Même si un système pédagogique se doit d’ordonner les phases et techniques de combat, il faut éviter un apprentissage trop scolaire. Sur le terrain ce sera une tout autre ambiance que celle du dojo.

  • l’équilibre

L’équilibre en combat n’est pas une notion statique. Il exige une adaptation constante. Le but de l’équilibre est de faire face aux forces extérieures et intérieures qui pourraient faire vaciller la posture.

Trois forces vont se retrouver à interagir sur le corps : la force de gravité, les forces musculaires motrices et les tensions (résistance).

La force de gravitation agit verticalement sur notre centre de gravité[3]. Ce dernier est situé en avant de la cinquième vertèbre lombaire, en regard de l’ombilic. La ligne imaginaire de gravité ainsi formée constitue notre premier axe mécanique. La posture érigée s’y agence depuis sa basse jusqu’au vertex (sommet du crâne).

Pour que l’équilibre soit stable, il faut obligatoirement que la ligne verticale de gravité tombe à l’intérieur du polygone de sustentation. C’est à dire : la surface délimitée par l’ensemble des appuis fixes (sol, mur…).

La musculature tonique (musculature courte et profonde) est responsable de l’ajustement et de la solidité de la posture. Cette musculature s’adapte en fonction des forces extérieurs (vent, sol incliné ou instable…) et de la volonté de se s’orienter dans l’espace (gestes, regards…)[4]. Son intensité est en lien direct avec l’éveil, la vigilance, l’attention et l’intention. Un tonus uniforme permet le transit des forces d’un bout à l’autre du corps. Si une seule articulation se raidit ou s’affaiblit, une amorce de rupture apparaît dans la structure.

Le mouvement prend appui sur la posture et fait appel à la musculature phasique (musculature dynamique, superficielle et explosive). Le rapport entre ces deux systèmes musculaires est de l’ordre de dix unités toniques pour une phasique. Un tonus trop faible ne pourra soutenir le mouvement alors qu’un tonus trop grand agira comme un frein. Le travail postural est donc une priorité.

 Si les tensions sont parfois imputables au manque de souplesse articulaire, ils sont bien plus souvent le résultat de la crispation lié au stress du combat[5]. La régulation du tonus passe donc par la maîtrise de son état d’esprit.

La posture s’organise aussi grâce aux entrées proprioceptives c’est-à-dire le support podal et la verticale gravitaire :

Le segment podal, responsable de la stabilité est constitué des pieds et des jambes. Il est à la fois récepteur et régulateur de la posture. Ces informations sont captées à partir de la voute plantaire (position du centre de gravité) et des tendons du segment jambier (inclinaison du corps ou du sol).

Le contrôle de la verticale gravitaire, responsables de l’orientation, dépend de la vue, du vestibule (oreille interne) et de la courbure de la nuque.

Pour avoir une information optimum, l’alignement vertical des deux systèmes proprioceptifs est indispensable. Cet alignement n’est ni de figé ni rigide[6]. Des systèmes d’escrime nécessitent parfois l’inclinaison du buste afin d’augmenter l’allonge des bras et placer le ventre en retrait pour limiter les risques éviscération. 

Pour quantifier la stabilité d’une posture il suffit de ce représenté une pyramide dont la basse serait le polygone de sustentation et le sommet serait le centre de gravité. Plus le sommet de la pyramide est bas, ainsi qu’à l’aplomb du centre de la base, plus d’édifice est stable. Il en va de même en élargissant la basse.

La lute a la particularité d’imbriquer les postures des différents adversaires. Les pyramides s’arcboutent alors pour n’en former qu’une. L’inclinaison de la posture de chaque adversaire est nécessaire pour faire face à l’intensité de la poussée adverse. Lors qu’un adversaire chute, il faut alors dissocier les structures afin de ne pas tomber aussi.

Pour s’assurer le contrôle de la base, il suffit de placer son centre de gravité sous celui de l’adversaire.

 Lorsque le polygone de sustentation est composé de deux appuis, il est assimilable à une ligne faisant office d’axe fort. L’adversaire peut facilement tirer et pousser sur cet axe. Perpendiculairement à cette ligne ce trouve l’axe faible, dépourvu de contrefort. Toute déstabilisation sur cet axe faible obligera l’adversaire à changer un de ces appuis. Si ce n’est pas le cas, le renversement et la chute seront acquis. Il ne faut pas trop y compter. Ce qui importe c’est que l’adversaire perde momentanément une partie de sa liberté d’action.

L’équilibre dynamique n’est en réalité qu’un déséquilibre contrôlé. Pour marcher, courir ou sauter le centre de gravité doit sortir du polygone de sustentation. Plus la posture est large plus il faut du temps pour se mettre en mouvement.

 Le mécanisme le plus simple pour conserver sa stabilité dynamique consiste à replacer ses appuis sous la ligne de gravité lors du déplacement. Si cela ne suffit pas ou que la situation empêche de se déplacer[7], le système s’inverse. Ce sont les membres supérieurs et le buste qui vont se déplacer pour replacer la ligne de gravité à a l’intérieur du polygone de sustentation.

Lorsque le buste et les bras rentrent en jeux pour rétablir l’équilibre cela annule toutes autres actions mécaniques. Résister à un déséquilibre est généralement un facteur aggravant. Une fois le déséquilibre amorcé il y a une incompatibilité entre ce que l’on veut et ce que l’on peut faire. La non-résistance permet d’utiliser au mieux le mouvement du déséquilibre. Il est possible de se restructurer (roulade, pivot…) ou de transmettre l’énergie du déséquilibre (riposte à la voler, saisie, projection…).

         Un déséquilibre se construit étape par étape de manière à contraindre et déstructurer progressivement l’adversaire dans les trois plants de l’espace (transversal, sagittal, frontal). Chaque déséquilibre supplémentaire en restreint la liberté jusqu’à ce que sa chute soit inévitable.

Tout mouvement est facteur de déséquilibre. La première étape consiste à contraindre l’adversaire à se déplacer[8]. Les mouvements circulaires sont particulièrement efficaces, car ils génèrent un effet centrifuge qui soumet l’adversaire à l’action de deux accélérations perpendiculaire.

Le premier mouvement ne doit pas éterniser, car un nouvel équilibre dynamique se met en place. L’inclinaison de la posture et notamment du vertex sera l’indicateur pour entamer le second déséquilibre.

Le second déséquilibre et si nécessaire un troisième, chacun perpendiculaire au précédent achève la démolition de la structure. Les mouvements en vrille y sont bien utiles pour combiner plusieurs rotations en un seul mouvement.

Pour achever la chute, plusieurs techniques sont envisageables : le renversement, le balayage, la projection et la désorientation proprioceptive.

Le renversement fixe les appuis au sol et fait basculer son centre de gravité au-delà du polygone de sustentation. Les torsions articulaires[9] et crochetages permettent de diriger la posture dans la direction voulue.

Le balayage supprime la basse d’appuis, laissant le centre de gravité sans soutien. Il se pratique principalement sur le membre le moins encré au sol, et tout particulièrement à l’instant où celui-ci cherche à reprendre appuis.

La projection consiste à soulever l’adversaire du sol et le faire basculer de manière à ce qu’il ne puisse retomber sur ces appuis. C’est la forme la plus spectaculaire et celle qui génère le plus de traumatisme.

La désorientation sensitive, la douleur, la peur[10] ou la commotion cérébrale (ko) visent à affaire et désorienter le tonus musculaire qui prive le corps de tout soutien.

La chute même brutale d’un adversaire au sol n’est pas la fin du combat. Le but est simplement de rendre la situation asymétrique pour contrôler, soumettre ou gagner du temps afin de fuir ou de saisir une arme.

3       Les structures

Les structures se perçoivent à travers la posture. Elles traduisent la manière dont l’organisme affronte les stimulations extérieures comme intérieures.

Mécaniquement une posture s’organise autour de trois fonctions : une fonction de coordination pour soutenir les mouvements, une fonction d’anticipation pour prévenir les effets perturbateurs et une fonction d’adaptation a l’environnement.

 Les postures sont aussi un mode de communication non verbal [11]. Des études récentes en criminologie et en victimologie ont montré l’importance des structures du corps dans le processus de sélection d’une victime.

La majorité des criminelles examinent le monde en termes de coûts, de gains, de brèches et de contraintes. La vulnérabilité d’un individu semble être le principal critère de sélection[12]. La posture d’une la victime informe l’agresseur potentiel sur deux-points : la qualité de son fonctionnement mécanique et son état psychologique.

Ce que l’agresseur cherche c’est une proie incapable de se défendre physiquement comme psychologiquement. La faiblesse transparaît à travers le comportement et la posture : l’énervement, la peur, la timidité et la soumission, projettent des schémas corporels reconnaissables. Quant aux faiblesses physiques observables, elles peuvent être constitutives (handicap, maladie, boiterie, blessure…) ou engendrées par une situation (refaire ses lassés, lire son journal, porter une valise…).

La qualité de la marche semble être le critère le plus déterminant en matière d’évaluation de vulnérabilité[13]. Des tests d’observation et de sélection réalisée avec des criminelles en détention ont démontré l’importance de 5 paramètres biomécaniques liées à la marche[14] : l’enjambée, la bascule du poids, le déroulé du pied, la dissociation des ceintures et la transmission de force dans la structure.

L’ensemble des dysfonctions de la marche, en plus d’être un frein mécanique en combat, sont interprétées par les criminelles comme un manque de confiance. L’exactitude de ses jugements semble particulièrement aiguisée chez les psychopathes[15].

Pour éviter d’être prises pour cible, la posture ainsi que la marche se doivent d’être cohérentes et économiques. Les styles internes ont en ce point raison d’approfondir le travail des structures et la confiance en soi avant d’envisager les techniques de combat.

Être décontracté attentif et confient suffit à éviter plus de 90 % des risques d’agression. Apprendre à marché correctement semble être la meilleure école d’autodéfense préventive[16].

La notion de structure renvoie bien plus à l’aspect mécanique de la posture qu’a son aspect psychologique.

Parmi les lois physiques qui vont nécessiter une structure solide, la loi de réciprocité des forces est incontournable.

«L’action est toujours égale à la réaction; c’est-à-dire que les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales et dans des directions contraires.» [Isaac Newton (1684)]

                Il faut toujours considérer que lorsque l’on frappe l’adversaire du poing, il nous frappe le poing, lorsque on le pouce il nous pouce, lorsqu’on le saisit nous sommes saisie[17]s. Dans la lutte d’opposition, l’inertie et la structure de chaque adversaire sont mises en compétition. Le plus massif est censé avoir un avantage sur le phénomène d’inertie. Les déplacements, la vitesse et la solidité de la structure permettent de pallier à ce problème. 

La fixation dans l’espace d’une structure impose un « verrouillage » articulaire, assurée par des éléments passifs (os, ligaments, capsules, dépression intra-articulaire) et des éléments actifs (muscle, tendons). Chaque articulation possède un ou plusieurs secteurs précis de stabilités. Les ligaments et les muscles y sont forts et réactifs.

Aucune articulation ne peut être fort isolement. Seule l’unification corporelle permet à chaque parti de soutenir le tout. Rien ne doit jamais être figé, car une structure n’est jamais forte simultanément dans les trois plants de l’espace. Il faut orienter la structure en fonction des forces en présence. Ce figer c’est donné l’opportunité a l’adversaire d’exploiter l’axe faible. Le mouvement constant unifié est l’un des grands principes martiaux.

Au-delà du secteur de stabilité s’étend le secteur de mobilité qui comprend toute l’amplitude physiologique de l’articulation. Plus on s’écarte du secteur de stabilité, moins l’articulation est forte et plus les stabilisateurs articulaires se mettent en tension[18]. Une fois que les amplitudes articulaires anatomiques sont épuisées, plus aucune compensation n’est possible et on commence à rompre les tissus. L’articulation subira alors une entorse puis une luxation ou fracture.

Le tonus musculaire est au centre de l’unification d’une structure. Se contracter et se raidir donne une illusion de solidité. Serte cela permet d’encaisser certaines percutions sans trop de dommage, mais cette stratégie est très dangereuse en combat réel. La structure rigide manque de mobilité, elle augmente la pénétration des armes blanches et on ne peut l’utiliser en cas de surprise. En revanche le relâchement (a bien différentié de la mollesse) permet de s’adapter au mieux sans préparation. Comme le roseau de la fable : « Je plie, mais ne romps pas ».

Du pied à la main c’est une trentaine d’articulations qu’il faut unifier. Le système de pression « pneumatique » de la respiration assure cette cohérence. Les muscles abdominaux, le diaphragme et le plancher pelvien forment un caisson pressurisé qui répartit les contraintes sur l’ensemble de la structure. Plus efficace qu’une contraction musculaire le souffle explosif permet de réguler instantanément la rigidité de toute la structure. Ces souffles, régulièrement accompagnés de crie, sont plus connus sous le nom japonais « Kiai ».

Cette unification corporelle est nécessaire pour faire transiter les forces motrices à traverser la structure.

L’alchimie martiale d’une expulsion d’énergie consiste à joindre la matière (le corps), le principe qui l’anime (le souffle) et l’esprit (la volonté) en un seul point. Plus on force plus on s’éloigne de la technique. La qualité de la transmission d’une force prime sur la puissance brute.

De là plusieurs tactiques sont envisageables pour émettre une force.

La plus rependue consiste à prendre appui dans le sol et de transmettre la poussée dans une vrille à travers la structure pour l’expulsé de l’autre coté. Cette technique assure une grande force de poussée et une structure parfaitement alignée lors de l’expulsion. Il est possible à cet instant de solidifier la posture pour pousser avec toute la structure comme une poutre ou dissocier le point d’expulsion du reste de la structure comme un fouet. La forte signature visuelle de ce développement oblige à l’intégré à un enchaînement ou une feinte.

Toutes les parties du corps ne sont pas aussi rapides à mettre en mouvement. La main va bien plus vite que le buste. Aussi pour une attaque discrète, rapide et efficace, mieux vaut procéder de manière inverse. Le corps doit être aspiré ver la cible jusqu’à ce que la structure s’aligne j’ai l’instant de l’expulsion. Le mouvement est moins prévisible et bien plus relâché[19]. Cela pourrait paraître antinaturel en combat, mais c’est mécanisme quotidien pour des activités ne nécessitant pas de force. Pour serrer la main d’un ami, il serait antinaturel de tendre la main précédée par un mouvement de hanche et d’épaule. Essayez seulement et il est probable que votre ami, non averti, retire sa main et recule par réflexe.

Le temps de transit peut être si bref que l’on voit l’ensemble du corps aigre au même instant. Malgré tout, en cas de contacte et de saisie il sera préférable d’utilisé la première tactique pour générer le mouvement là ou le corps et libre. C’est le même principe que l’onde que l’on produit sur un tapis affin de ce débarrasser d’un objet posé plus loin. En cas de non contacte et afin de ne pas ce faire remarquer, la seconde tactique sera la meilleure.

Pour ce qui est d’absorption d’une force, elle transite systématiquement du point d’impact ver la base d’appui. À charge pour la structure de ne pas se raidir au risque d’être emporté.

Parmi l’ensemble des postures, la posture érigée est notre posture naturelle la plus adaptée au mouvement. Même si le corps humain est conçu pour être polyvalent son anatomie prévoit des fonctions spécifiques pour chaque parti.

À l’image des racines, les jambes assurent l’encrage et la locomotion. C’est la partie la plus musclée. C’est le générateur de puissance du corps.

Le bassin est comparable à une souche. Il met en cohérence les forces ascendantes des jambes et des forces descendantes du buste.

Le tronc est fort uniquement quand la colonne est alignée. Son rôle est simplement de transmettre les forces et non de les produire. C’est un segment massif qui assure une forte inertie.

Les bras sont comme des branches qui canalisent et dirigent les forces. Ils sont conçus pour la saisie et la manipulation de précision. Plus léger ils transforment l’inertie cinétique transmise par la masse du buste en vitesse[20].

La tête est une tour de contrôle et un gouvernail. L’orientation de la tête et du regard en rotation ou inclinaison suffit à diriger la posture. C’est une cible tactique particulièrement vulnérable. Sa posture de protection innée se présente en légère bascule avant pour présenter le front (os très solide) et aligner les vertèbres cervicales. Le vertex reste toutefois aligné dans l’axe. Dans cette posture le menton couvre la gorge, tandis que l’arcade sourcilière plonge au-dessus des yeux, la bouche est fermée et la mâchoire verrouillée pour protéger les dents.

Parmi les différentes postures érigées, on distingue la posture naturelle « universelle », jambes droites, relâchées avec un écartement des pieds correspondant à la largeur du bassin. Combattre depuis cette posture est subtile. Les anciens maîtres ne la réservaient qu’aux pratiquants avancés[21]. Pour autant lors d’une agression soudaine il y a peu de chance de se trouver en garde.

Les postures de combat avec un écartement de deux fois la largeur des épaules ne peuvent se prendre qu’une fois l’agression dévoilée. Dans ces postures la mobilité et la stabilité sont optimums. Une posture de buste face à l’adversaire signifiera une tactique d’attente défensive[22] alors que le trois quarts sera le signe d’une posture d’assaut.

Une très grande variété de postures de la plus large à la plus asymétrique ont été créé pour répondre à des situations et des distances particulières. Le fait d’apprendre à bouger librement permet d’en retrouver un grand nombre naturellement. Un apprentissage trop académique apporte des postures fortes, mais risque de les faire apparaître au mauvais moment dans un combat réele[23].

         La marche est notre mode de locomotion le plus naturel. En réalité c’est un processus gestuel global ou toutes les articulations du corps sont mises à contribution.

Dans les vieux traités d’escrimes, le terme marche englobe tous les types de déplacement qui permettent d’avancer sur l’adversaire.

Miyamoto Musashi, célèbre duelliste japonais du 17eme siècle et fondateur de l’école des deux sabres a brillamment fait le tour du problème en quelque ligne :

«Certaines écoles fondent leur enseignement sur les techniques de déplacement. On trouve par exemple le style du pas flottant, celui du pas bondissant et sautillant, le piétinement ou encore celui qu’on appelle le “pas du corbeau”… Aucun de ces déplacements n’est fiable; tous présentent de nombreuses insuffisances (déséquilibre, agitation et ne peuvent s’adapter aux variations de terrain) […] Le type de pas qui prévaut dans l’école des deux sabres ne diffère pas de la marche normale. L’augmentation ou le ralentissement de la vitesse de déplacement dépend du rythme du combat. Toutefois rien ne doit entraver l’alternance naturelle des pieds ni faire prendre au corps une posture inadéquate.» [Miyamoto Musashi]

en bref, la marche doit être naturelle, quels que soient la direction (avant, arrière latéral…) et le terrain (obstacles, surfasses glissantes, creux…)[24]. Les pivots et accélérations doivent s’y intégrer parfaitement sans piétinement inutile. Le bassin et les épaules, habituellement en opposition lors de la marche, doivent pouvoir bouger en synergie ou de manières dissociées selon la nécessité.

Toutes les marches se composent d’une succession de pas rythmés[25].

La première phase consiste en un transfert de poids sur la jambe dite « de terre ». Son rôle est de soutenir le centre de gravité pour libérer l’autre jambe dite « légère ». Une jambe de terre ne peut donc décoller du sol pour se déplacer ou frapper sans préalablement se libérer de son poids. Cela en fait une cible idéale pour les percussions et les saisies.

Durand le second phase, la jambe de terre propulse le corps dans un nouveau transfert de poids. La jambe de terre devient légère et peut entamer son oscillation[26] ou une percussion.

Une foi l’oscillation finie, la jambe légère reviens au sol. Un nouveau cycle recommence. Le corps s’engage dans un nouveau transfert de poids. C’est le moment idéal pour effectuer un balayage.

La marche quotidienne se fait avec l’attaque du talon au sol[27]. Ce mécanisme permet un déroulement fluide du pied et une marche à faible coût énergétique. Cela ne permet pas une grande réactivité en cas de danger. Le talon, parti statique du pied, ne peut agir comme un ressort. La majorité des marches de combat de font donc principalement par la pointe dynamique du pied.

Le balancement permanent rend difficile l’exploitation d’une posture. Le temps de percevoir une opportunité, il est souvent trop tard. Seule l’expérience permet anticipation suffisante.  

La verticalité c’est la vie l’horizontalité c’est la mort dite le dicton. C’est assez vrai en matière de combat de survie. C’est pour cela que les structures et déplacements au sol sont indispensables, non pas pour y combattre, mais pour s’en sortir le cas échéant.

Même le plus grand tacticien peut être amené à chuter. Il est donc capital de savoir se réceptionner sans se blesser et se redresser sans s’exposer a un contre. La rue n’est pas le dojo et le bitume est bien plus dur et abrasif que le tatami.

La chute roulée permet de limiter les chocs et conserver l’énergie cinétique pour se redresser si l’adversaire ne retient pas la chute. En cas de saisie la chute « brisée » consiste à repartir l’énergie du choc sur la plus grande surface possible. Frapper le sol avec les membres comme il est d’usage en dojo est dangereux hors du tatami (trottoir, mur…). La réception la plus naturelle serait chute amortie, employée par les animaux. Chaque partie du corps vient amortir son propre poids dans l’ordre ou il arrive au sol. La tête en revanche doit être protégée. Ce mécanisme limite le risque de surcharge sur une seule zone et donc de fracture.

         le corps humain est très polyvalent ce qui lui permet de prendre appui sur les mains, frapper du pied, saisir entre les cuisses, etc. Beaucoup de structure et de fonction ont été délaissées durant notre « modernisation ». La marche à quatre pattes, les postures accroupies, les roulades, l’escalade sont complémentaires à la marche et la course pour le développement du corps. C’est aussi en travaillant la polyvalence de chaque parti du corps que l’on développe un sens inné du mouvement que ce soit debout ou au sol.

[1] Le monde aura raison de chacun d’entre nous. Épuisement, arthrose, blessure, vengeance… ce que l’on obtient par la force se paye un jour ou un autre.

[2] Traduction du latin. On peut y voir aussi un appelle à la modération ainsi qu’un parallèle avec le taoïsme yin yang à chaque extrémité de la balance.

[3] Le centre de gravité n’est pas un point anatomique c’est un concept qui permet de réduire la masse d’un objet en un point d’équilibre unique. Au repos debout il est devant le corps de la 5eme vertèbre lombaire. Il se déplace lors des mouvements des membres et du buste. Au-delà d’un certain degré de flexion, il peut même sortir du corps.

[4] Les corrections permanentes du tonus mettent la posture en constante oscillation autour de la verticale gravitaire. En station debout l’angle moyen d’oscillation est de 4° et augmente en fonction de l’activité musculaire tonique et de la complexité de la posture. Contrairement à l’intuition les oscillations sont plus grandes pour des posture large et genoux fléchi. L’avantage mécanique des postures basses est donc plus dynamique que statique.

[5] Sans souplesse le corps s’use plus vite. Nous sommes faits de mouvement et de rythme (cœur, respirations, marche…). Figer son corps ne peut mener qu’à le faire dysfonctionner tôt ou tard.

[6] Les danseurs, chanteur et gymnaste ont tous entendu parler du fil imaginaire qui nous tire le vertex ver le ciel. Le combat contraint parfois à incliner momentanément l’axe du corps ver l’avant ou l’arrière. Lors de ces oscillations la colonne ne doit pas s’incliner d’avantage que l’angle de la pente formé par l’écartement des jambes.

[7] C’est le cas quand on fait de l’équilibrisme sur une poutre.

[8] Il est facile de s’en rendre compte, en regardant les efforts considérables qui sont nécessaires pour arracher un adversaire du sol lors des compétitions de judo ou de lutte. Les plus belles projections se font en toujours en exploitant le déplacement de l’adversaire. En aïkido par exemple aucune technique de projection n’est jamais tentée sans une mise en mouvement préalable de l’adversaire. « Maitriser son hanmi (posture) et déséquilibrer son adversaire » [principe d’aïkido]

[9] Morihei Ueshiba (fondateur de l’aïkido) lui-même affirmait que les percussions (atemi) comptaient pour 99 %. Il utilisait surtout l’intention de la percussion pour provoquer une réaction de l’adversaire et exploiter son déséquilibre.

[10] Certaines projections peuvent entrainer des lésions graves de la colonne vertébrale comme les plaquages « cathédrale » interdits au rugby. Un élève de Jigoro Kano, fondateur du judo, a ainsi accidentellement tué un adversaire sur une projection lors du tournoi qui devait déterminer qui du judo ou du jujitsu formerait les policier Japonais.

[11] Stoffregenet al.(2007). (Paillard, 1976). (Bekoff & Byers,1998)

[12]Cette méthode de sélection est une des explications de l’inégale répartition des abus et les violences dans la population. Le fait que ce soit souvent les mêmes personnes qui subisse les agressions et une question délicate a évoqué car elle induit indirectement la responsabilité, même non voulu de la victime dans le processus d’agression. L’agresseur conserve toute la responsabilité morale car il souhaitait attaquer. Le choix de la victime n’est pas assimilable au phénomène déclencheur intrinsèque à l’agresseur.

[13] « On reconnait un bon combattant à ces déplacements. » [Bruce Lee]

[14] Grayson B. et Stein M., Attracting assault : victims’ nonverbal cues, Journal of Communication, 1981

[15] Book A., Costello K. et Wheeler S., Psychopathic traits and perceptions of victim vulnerability, Criminal Justice and Behavior, 2009

[16] Allez voir votre kiné plus souvent !

[17] Les gants de boxe ne servent  pas à protéger l’adversaire, mais à empêcher les fractures des métatarses sur les os du crâne. Les saisie et la lutte au sol, redoutable en duelle un contre un, devient un piège si un second adversaire rentre en jeux.

[18] En cas de torsion trop importante d’une articulation et afin d’éviter la rupture des tissus (luxation), des réactions mécaniques et neurologiques de compensation se répercutent sur toutes les autres articulations. Le principe de compensation permet de donner un peu de liberté articulaire à l’articulation contrainte pour lui permettre de se soustraire à la saisie.

[19] C’est l’art de la frappe du Systema. Pour l’avoir testé elle donne un effet très particulier. Quand on la reçoit elle n’active aucune alerte de danger et quand on la reçoit on et déstabilisé par la différence entre ce que l’on attendait et ce que l’on ressent.

[20] En partant du principe que l’énergie cinétique reste ma même soit 1/2mv² alors lors du transfert du buste au bras la masse m diminue et la vitesse v augmente.

[21] « Position de combat (kamae) pour les débutants, ensuite tout doit venir de la posture naturelle (shizen tai). » [17e kyokun du karaté martial]

[22] On la retrouve en sport ou 100 % des joueurs de tennis, football, basket-ball l’adoptent pour recevoir l’offensive adverse. Un sportif qui adopterait une posture statique un pied devant l’autre ou avec un appui plus prononcé sur une jambe se ferait aisément surprendre en contre-pied.

[23]La mangeur parti du temps et cela malgré un entraînement assidu, nombre de pratiquants n’utilisent aucune de leurs postures académiques en combat.

[24] Combattre en multi-opposant en pleine forêt est un excellent exercice.

[25] La seule différence avec la course c’est l’absence du double appui lors du transfert de de poids qui est remplacé par un bond.

[26] 40% du temps de marche

[27] Il semblerait à en croire des historiens médiévaux que sella n’ai pas toujours été le cas. Il serait possible que les  hommes du 13em siècle attaquent le sol par la pointe de pied puis poser le talon avant de le relever. C’est encore le cas de peuple marchant pied nu.

 

 

 

v.      Le mouvement

«La géométrie et la musique combinent leurs vertus scientifiques dans l’épée pour orner la grande lumière de Mars.»  

«Lescrime na pas de limite, chaque revers trouve son endroit»

[Maestro Philippo Vadi]

Pour de nombreux maître l’analyse du mouvement peut être rapprochée de la musique tout comme l’étude des structures l’est de la géométrie. Effectivement comme en musique, le respect du rythme prévaut sur la vitesse et les techniques, comme les notes, ne se suivent pas au hasard. La pertinence d’une technique dépend de son à-propos, comme un mot, dans une « phrase ». Plus grande est la connaissance et l’agilité d’un combattant plus il est difficile de le mettre en défaut[1]. Cela est vrais dans la théorie martiale, mais la violence n’est ni un dialogue ni un art. Il y a donc une différence flagrante entre les systèmes pédagogiques et la réalité du terrain. Comment expliquer ce décalage ?

Les vieux maîtres n’étaient ni aveugle, ni idiot et leurs expériences c’était forgé au combat. Il faut donc comprendre que leurs pédagogies visaient à remettre de l’ordre dans le chaos. On pourrait alors voir leurs enseignements comme l’art de reprendre une « conversation » construite ou l’art de la clôturé au plus vite. Devenir agressif et violent peut aussi s’apprendre mais cela n’a rien d’un art, c’est un conditionnement. Que désire on former ? Un combattant, un guerrier, un soldat, un citoyen ou un criminel ?

Une attaque prédatrice ne dure que quelques secondes : soit l’agresseur réussi son coup soit il abandonne rapidement[2]. La rapidité a donc toute sa place dans la formation martiale. Malheureusement la rapidité est trop souvent confondue avec la vitesse, nervosité et précipitation. L’empressement est malheureusement le meilleur moyen de ne jamais développé une conscience et le contrôle du mouvement. L’attention, la réactivité, le timing, le placement et le relâchement sont des paramètres bien plus pertinent.  Un combattant flegmatique peut tout à fait être le plus rapide sans pour autant aller plus vite.

Le mouvement tout comme la vitesse se définissent en fonction de l’espace et du temps. C’est cette décomposition qui me paraît pertinent à étudier. La vitesse vient en pratiquant.

1       Gestions de proximité

         Pour qu’une agression ait lieu, il faut un agresseur et une victime dans un même espace.

         Tous les individus ajustent naturellement les distances qui les séparent[3]. Nous possédons tous un « espace territorial portatif » ou il faut être convié pour entrer. Cette espace personnelle se modifie en fonction du lieu, de la promiscuité ou du lien affectif. En Europe, par exemple, la distance conventionnelle de discussion avec un inconnu est celle d’un bras tendu (bout des doigts touchants la clavicule de la personne en face).

Dans l’espace collectif, il est socialement convenu de se répartir de manière homogène s’il n’y a pas de raison valable de se regrouper. Lors d’une agression physique, ces règles vont devoir être transgressés.

Il est alors recommandé dans les écoles d’autodéfenses de garder une distance de sécurité de 1 m 50 à 2 m 50 avec tout inconnu. Néanmoins, beaucoup de situations quotidiennes nous placent dans une proximité bien inférieure (transport en commun, file d’attente, concert…). Il n’est donc pas envisageable de tout surveiller et contrôler sans tomber dans une grave paranoïa.

Un agresseur prêt a passé a l’action n’a pas la même signature émotionnel et comportemental. La méfiance, la peur et l’agressivité sont des attitudes détectables si l’on est décontracté et attentif. Tout rapprochement d’un inconnu sans raison valable stimule alors la vigilance[4]

De son côté un agresseur expérimenté masquera son approche par une stratégie  sociale, banale et discrète. Il déviera légèrement de sa trajectoire, il dira bonjour, sourira, demandera quelque chose, interpellera ou bousculera maladroitement la victime.

Il ne faut pas se laisser endormir par les apparences. Notre instinct mieux que l’intellect peut juger de la sincérité d’un rapprochement. Il doit y avoir une cohérence entre le contexte, le discours verbal de l’interlocuteur et son attitude physique. En cas d’incohérence, une sensation émotionnel « viscérale » de plus en plus désagréable se fait sentir.

Cela doit activer un besoin de reprendre un espace de sécurité suffisent (1m 50). Il suffit se redresser, de réajuster sa posture et de contrôler l’espace de discutions par des gestes naturels de conversation (toucher sa montre, se caresser le menton, se gratter l’oreille ou le coude…).

L’approche n’est pas toujours physique et l’espace émotionnel doit être protégé. La sollicitation initiale cherche à intimider et/ou confondre la victime qui, impressionné, fini par perdre confidence en elle et se sent dominé, et parfois même coupable (bousculade, regard…). Savoir s’affirmer et décliner poliment des requêtes ça s’apprend tout comme ne pas réagir à certaines interpellations et poursuivre son chemin. Plus on se fige, plus l’on discute et plus l’on perd le contrôle. Un adversaire expérimenté s’assurera toujours de son emprise psychologique avant de passé à l’action.

Dans le cas où un individu proche devient menaçant, il est plus prudent de d’augmenter la distance de sécurité à 2m50[5]. Le placement non agressif des bras devant le buste doit empêcher l’individu de venir au contact. Cette garde dite de désescalade dissuade et complique le rapprochement. Si l’agresseur n’est pas réellement déterminé, la diplomatie pourra encore faire son œuvre.

Quand la distance et trop faible et que l’individu deviens un agresseur la meilleure solution consiste à mettre immédiatement un terme au combat. Plus un combat s’éternise, plus la probabilité d’être touché augmente. La prise d’initiative n’est pas toujours moralement défendable, mais attendre d’être frappé pour réagir est absurde. Si l’on peut évité des dommage corporel a l’adversaire c’est encore mieux[6]. L’essentielle c’est de ne pas être à l’origine de la situation violente. Tout doit être claire pour des témoins. Une ou deux somations permettent facilement de clarifier la situation : « je ne vous connais pas monsieur ! Calmez-vous ! Laisser moi tranquille ! éloignez-vous ! ne me toucher pas ! Etc.).

Malheureusement les agressions graves commencent sans prévenir et à très courte distance. Il ne faut pas se voiler la face une attaque-surprise à moins d’un mètre est imparable. De plus un tel agresseur est rarement seul. Un combattant doit donc se préparer à l’idée qu’il peut être touché, saisie et même blessée. Même après plusieurs coups de couteaux on peut encore fuir ou se défendre. Votre système nerveux, s’il ne bug pas, trouvera des ressources insoupçonnées pour se sortir d’affaire.

Les caractéristiques tactiques de distance séparant les combattants pourront être représenter sous la forme de cercles concentriques.

Le plus grand des cercles est sans doute celui généré par la tentions psychique, c’est à dire la distance à partir de quel je peux baisser la garde et vivre paisiblement. Difficile à concevoir, certaine personne sous emprise n’en sorte jamais (violence familiale, harcèlement, relation toxique…). Ce cercle est aussi une affaire de temps car de nombreuse victimes ou soldats conserve un stress post traumatique pendant des années, voir toute leur vie. Un combattant doit se former à la gestion de stress s’il veut être opérationnel et finir ces jours paisiblement, quant aux victimes, des thérapies psychologiques efficace existe pour arrêter d’en souffrir (EMDR, TCC, hypnose).

Le second cercle c’est celui où l’on s’expose à la touche. cela correspond à la portée utile d’une l’arme à feux[7], d’un jet de pierre, de la pointe d’un bâton, couteau ou d’un coup de pied selon le cas. Il faut aussi prendre en compte qu’un agresseur possède toujours une grande capacité d’accélération. Des expériences ont montré qu’il faut un minimum 5 mètres (1 à 1,5 seconde) pour espérer réagir correctement à une charge surprise et presque 7 mètres pour dégainer une arme de service et abattre un agresseur armé avant le contact[8].

Au-delà du cercle de touche seul les déplacements de l’adversaire ont une importance. A l’intérieur de ce cercle la portée des membres doit être prise en compte. Chaque distance possède des d’attaques qui lui sont propre. Ces distances tactiques se succèdent tous les 30 à 40 cm. C’est la longueur approximative d’un segment du corps (avant-bras, tibia, largeur d’épaules).  Distance qui correspond aussi aux demis pas d’ajustement offensif et défensif.  Un pas complet permet de franchir deux distances tactiques (80 cm) et trois pour un pas bondissant ou accompagné d’une fente avant (120cm).

Une jambe peut toucher une cible dans un rayon de 1m 20, le poing touche à 80 cm et le coude comme le genou ont une portée d’environ 60 cm. La distance de coude c’est aussi l’entrée en distance de lutte. Les pieds avant des deux combattants sont alors sur une même ligne. A moins de 60 cm la majorité des percussions deviennent plus difficile à réaliser.

A armes égales la distance de touche est aussi celle où l’on peut être touché. Quelques centimètres supplémentaires sont donc théoriquement suffisant pour donner un avantage[9]. En pratique le stress exacerbe les réactions de fuite-attaque ce qui fait que les techniques délivrées dans leurs justes distances sont rares. La majorité des attaques sont donnés dans le vent ou projeté au travers de l’adversaire sans aucune précision ni contrôle.

La nécessité de contrôle et de sécurité défensive est généralement d’un demi-bas pour lancé une attaque cohérente dans sa juste distance. Le demi pas ne prend pas plus de temps que l’attaque en elle-même. C’est ainsi que débute la « danse de combat » entre deux adversaire, le temps de créer ou de saisir la bonne opportunité sans s’exposer. Une attaque à contre temps est alors idéale pour annuler le recule probable de l’adversaire.

2       Les déplacements le mouvement et les gardes

         « Celui qui se pose là, celui-là est mort ; celui qui se déplace, celui-là vit encore. » [Liechtenauer, maitre d’arme germanique 14eme]

         Tout est dit. La mobilité fluidifie l’offensive, nous rend insaisissable tout en permettant de contrôler l’espace alentour et de permettre la fuite. Chaque hésitation ou arrêt de mouvement est une prise de risque mortel en combat réelle.

         D’ans un engagement la vue n’est pas si importante car agir lorsqu’on a vu l’action du partenaire est trop tard. Dans les voies martiales authentiques tout le travail est basé sur la perception de l’intention de l’adversaire. Néanmoins nous avons un angle mort de 180° ou notre perception et nos capacités de réaction sont dangereusement réduit. Le déplacement martial doit permettre le contrôle de l’espace et des angles morts [10].

         « Devant Luis, l’ennemi frappe ou j’étais encore un instant plus tôt. Déjà, je suis dans son dos. L’ennemi abusé frappe ce qu’il aperçut de moi. Il en meurt : mon sabre est derrière lui. » [Morihei Ueshiba]

         En corps à corps c’est de face que nous possédons le plus d’option. Si à distance une posture de côté peut être favorable au contact elle nous ampute de moitié et expose facilement le dos. La tactique des déplacements vise toujours à prendre le flanc ou le dos de l’adversaire. Il suffit alors de lui saisir le coude d’une main pour en prendre le contrôle. Il faut oublier tous les déplacements frontaux offensif comme défensifs propre au duel sportif et privilégier les diagonales, esquives et pivots.  

         « En foule, ils fondent sur toi ; cette multitude, sache-le, ne fait qu’un. Agis en conséquence. Un seul homme te ferait face ? Qu’importe, pour toi vigilance ! Autour les ennemis sont toujours là. » [Morihei Ueshiba, fondateur de l’Aïkido]

         Il est naïf de croire qu’un agresseur et seul, tout comme il est trop complexe, sous stress, de chercher à percevoir individuellement chaque adversaire. Le recule et les pivots permettent de sortir d’un encerclement et de se placer de manière à ce que les adversaires se retrouvent les uns derrière les autres afin qu’il se gênent mutuellement. Au milieu d’une foule tout mouvement qui n’atteint pas son but peut être immédiatement redirigé sur une autre cible.

                « Il n’y a pas 36 façons de pourfendre un homme. II n’y a pas plusieurs manières de porter un coup, de frapper et de trancher qu’il s’agisse d’un spécialiste ou non, d’une femme ou d’un enfant. » [Miyamoto Musashi]

         Si les attaques sont nombreuses elles se font toujours en fonction du placement des membres et du déplacement. Une jambe d’appuis ne peut se lever sans être préalablement déchargé de son poids, dans une rotation de buste le coté qui recule ne peut attaquer, si le centre de gravité part d’un côté l’attaque la plus puissante suivra les mêmes mouvements…

         Les attaques peuvent se porter sur deux profondeurs : au corps ou aux parties avancés. Les premières cibles à atteindre sont le poignet et le genoux avancés. Il faut donc se méfier des gardes notamment face à une arme blanche qui d’un geste peut trancher tendons et artères.

         On peut définir neuf trajectoires pour atteindre une même cible : une directe, sur la ligne centrale et huit trajectoires indirectes circulaires qui la contourne (haut-bas, droite-gauche et diagonales). Les frappes directes (estoc) sont plutôt rares dans la rue car elles sont le fruit d’un apprentissage, contrairement aux trajectoires circulaires plus naturelle (crochets et gifles). La trajectoire directes est évidement la plus courte mais facilement détectable alors que les trajectoires courbes sont plus difficile à percevoir et facile à combiner[11].     

                   C’est le propre des systèmes de garde que de simplifier encore l’approche défensive. Malheureusement les gardes incitent aux blocages et parades ce qui fige le corps. L’esquive reste la meilleure des options défensive pour conserver une bonne mobilité et de limiter les blessures défensives face à une arme blanche. Pour cette raison certain style ne comporte aucune garde.

         « La recherche d’une bonne garde n’est, la plupart du temps, que coquetterie…se mettre en garde, c’est-à-dire se défendre, implique d’abandonner l’initiative à l’adversaire… Il n’existe pas à mon sens, de stratégie défensive authentiquement victorieuse. » [Miyamoto Musashi]

         C’est activement qu’il faut limiter les possibilités d’action de l’adversaire en le menaçant, en contrôlant ces angles d’attaques et la distance, ou encore en saisissant ces membres tout en le maintenant en déséquilibre. Mais aussi, n’en déplaise aux anti-gardes, en obstruant l’accès de certaines trajectoires en faisant barrage avec une garde.

         Il n’y a plus de contradiction à partir du moment où l’on conçoit la garde comme une posture mobile, naturelle et  malléable, qui s’adapte sans cesse à la situation[12].

         « Faire irimi (déplacement diagonale) permet de paré alors que parer ne permet pas de faire irimi. » [Précepte d’Aïkido]

                Il est naïf de penser pouvoir intercepter facilement une attaque en cherchant à l’attraper dans son mouvement, cela vas trop vite. Il est plus judicieux de sécuriser des trajectoires en fonction de la forme de corps de l’adversaire. En pensant ainsi, il n’y a plus à faire de différence entre un directe, un crochet, un coup de coude, de poing ou de pied, seul la perception de la trajectoire compte.

                En divisant le corps sur trois hauteurs (haut, moyen, bas) et verticalement par la ligne du centre, on réduit à six quadrants et à la ligne centrale les possibilités d’attaques (quatre quadrant si l’on ne considère que le haut et le bas). Il faut alors un entraînement perceptif performant et des formes de corps adaptées à chaque trajectoire.  Les rotations et inclinaison de buste ainsi que le fléchissement des genoux donnent de précieuses informations. A force l’entraînement un combattant aguerri perçoit, comme un joueur d’échec, toutes les possibilités à chaque instant. Mais même avec cette classification cela fait encore trop de possibilités.

         Comment placer ces membres au final ? Le choix est multiple car toute parade ou attaque doit être considéré comme une garde.

         Le plus commun est de défendre la ligne centrale à la hauteur du sternum, sur la trajectoire la plus courte. Le trajet à parcourir est alors identique pour fermer chacun des cadrans. Pour éviter de se trouver en difficulté, il est préférable de « Ne pas mettre sa main dans la mauvaise poche ». Chaque membre s’occupe de son côté. Lorsque il est nécessaire de croiser, mieux vaut prendre un demi pas de recule pour ne pas s’emmêler les bras [13].

         La garde centrée est menaçante, comme un pieu sur le quelle il faut éviter de se précipité[14]. Le contrôle ou prise du « centre » assure un avantage tactique indispensable pour lancer l’assaut. C’est le point clef de tout art d’escrime. L’utilisation de cette garde est néanmoins critiquée par des experts d’autodéfense.  Car elle favorise la réduction du champ de vision, façon effet tunnel, lors de stress intense.

          Les gardes excentrées viennent couvrir certains quadrants tout en découvrant les autres. Sachant ce qui est couvert il suffit d’être attentif sur ce qui ne l’est pas. L’important et de toujours savoir quelles trajectoires sont condamnées et lesquelles sont ouvertes.

         Certaines gardes sont tellement ouvertes qu’elles ne protègent plus aucun quadrant, on parle alors de gardes d’invitations. En plus de servir de piège elle soustrait les parties avancées au attaque de l’adversaire.

         Si le visage reste la cible préférée, le bas ventre et les jambes restent des cibles sensibles. Le retrait et la couverture du sexe par la cuisse est préférable à une parade qui ferait baisser la garde. En présence d’armes tranchantes, le retrait de l’abdomen, dût aux recule des fesses et l’inclinaison du buste, permet de limiter les risques d’éventration et focalise la défense sur le visage et le cou.

         La posture du buste et des jambes doit répondre à un impératif de mobilité.  Le fait de baisé son centre de gravité permet une meilleure stabilité et une meilleur poussé des jambes tout en diminuant la surface de touche. La majorité des postures de combat se font de trois quart par rapport à l’adversaire car la poussé des jambes permet de rentrer ou de s’extraire du contact. Les positions de face sont davantage défensives et permettent de glisser de côté lors de l’assaut adverse. De face les membres sont à même distance ce qui permet une défense et attaque simultané alors que la position de côté offre une portée supérieure du bras avant. Les changements de le position face a trois quart permettent de combiner le glissement le flanc et la défense/attaque simultané en conservant une bonne allonge. La position de face offre plus de surface de touche à l’adversaire mais en cas de perforation (balistique ou long couteaux) un seul organe serra touché alors que de profil plusieurs organes peuvent être transpercés à chaque perforation.   

         Intérieur extérieur

         Encaisser

3       Les temps d’escrime

         Lors d’une attaque y a une rupture soudaine dans le mouvement et l’expression de l’agresseur. Il fait silence, se place de trois quart, s’abaisse, transfère son appui sur la jambe arrière et après un bref regard aux alentour ou sur l’objet convoité, il s’élance.

         Le temps nécessaire pour déployer son attaque détermine la durée d’un temps d’escrime. Ce temps est variable selon la distance le rythme et la vivacité du combattant. Une série d’attaques prend plus de temps qu’une combinaison du même nombre d’attaque. L’approche et le développement de chaque attaque sont imbriqué. Un boxeur expérimenté est capable de frapper cinq coups par seconde lors d’une attaque composée. Le temps d’escrime sera alors d’un cinquième de seconde.

Même si ce temps est bref on peut encore le découper en trois phases : l’origine le déploiement et la finalisation. 

         La capacité d’interception ou d’esquive d’une attaque dépend du placement et de la vivacité de perception du défenseur.

         En cas de surprise seul un déplacement en retrait permet d’éviter le choc à peine puissance. L’attaque sera alors interceptée dur le dernier temps de son développement. C’est l’instant où la technique est la plus dangereuse mais aussi celui ou l’adversaire s’engage le plus dans son attaque. A cet instant il est défensivement vulnérable et son équilibre est dépendant du bon fonctionnement de son attaque. 

         Si on dispose d’un temps de perception plus large, l’attaque peut être intercepté durant son déploiement. L’attaque possède alors une très forte inertie. Les déviations de trajectoire son donc préférable au blocage. Sur un blocage un adversaire expérimenté pourra changer de trajectoire ou immédiatement rebondir sur une autre attaque.

         Si la situation le permet il est possible de venir intercepter l’attaque dès l’origine. Ce contretemps est redoutable pour contraindre tout mouvement ou enchaînement de l’adversaire. Ce temps et difficile à saisir et nécessite une préparation en amont (déplacement préalable, déséquilibre adverse, fiente etc…)

         Temps d’escrimes

Déroulé d’une attaque

         Main buste marche vraie et faux temps

         Riposte (phrase martiale)

[1]Plus le savoir reste secret plus grande est la surprise. De nos jours dans les sport de combat les secrets n’existent plus vraiment. Aucun compétiteur de haut niveau ne se priverait d’analyser les tactiques d’un future adversaire. Rien de plus simple que d’éplucher les vidéos de ces derniers combats.

[2] Inversement dans le cadre de duels a mort ou les adversaires avait tout leur temps, il pouvait se passer une éternité avant que l’un des adversaire ne se rapproche suffisamment pour toucher ou être touché. C’est ce que l’on constate aussi en compétition sportive.

[3] La proxémie ou proxémique est une approche de l’espace introduite par l’anthropologue américain Edward T. Hall à partir de 1963. Ce néologisme désigne d’après lui « l’ensemble des observations et théories que l’Homme fait de l’espace en tant que produit culturel spécifique ». L’un des concepts majeurs en est la distance physique qui s’établit entre des personnes prises dans une interaction.

[4] Grover J., Street smarts, firearms and personal security: jim Grover’s guide to staying alive and avoiding crime in the real word, Paladin Press, 2000.

[5] Le risque d’une garde trop explicite (poing fermé) est qu’elle indique la volonté de se battre, supprime l’effet de surprise et risque de déclencher prématurément l’attaque adverse. La garde fermée reflète surtout la peur et l’agressivité ce qui l’expression d’une faible assurance en soit.

[6]J’ai rencontré des maîtres de systema capable de neutralisé des adversaires sans que personne ne s’aperçoive de leur prise d’initiative.  

[7]Dans le cadre d’agression civile. 90%des attaques par arme à feu se font à une distance inférieure à cinq mètres et majoritairement à moins de trois mètres. Ref neurocombat

[8] Réalisées et filmées pour la police par Dan Inosentos (maître de Jet Cun Do et de Kali) : « Dan Inosanto – Speed of Knife Attacks » youtube.

[9] « Tranche-moi la peau je te trancherai la chaire, tranche-moi la chaire je te trancherai les os. »

[10] « La vue n’est pas importante et vous pouvez pratiquer même si vous ne voyez pas à plus d’un mètre. Dans les voies martiales authentiques, agir lorsqu’on a vu l’action du partenaire est trop tard. Tout le travail est basé sur la perception de l’intention de l’adversaire. » [Kuroda Senseï]

[11]Cf chapitre sur la perception

[12] La garde est une surface d’interposition entre soit et l’agresseur. Elle donne un avantage prédictif sur ses intentions et réaction verbale « t’as peur ! Tombe les mains ! » ou physique (recule ou attaque, contournement ou dégagement de la gardes). Elle donne un avantage défensif d’interception en réduisant les distances à parcourir, afin de rattraper le retard perceptif. Elle donne un avantage offensif de manière à développer des attaques puissantes sur des trajets plus court.

[13]« Ne jamais croiser la défense » principe du wing chun

[14] La pointe du sabre ou les doigts est dirigés vers les yeux ou la gorge de l’adversaire. Plusieurs duels à mort ont été remporté ainsi par des profanes fasse a des combattants expérimentés qui, trop confient, si sont bêtement empalés lors de leur assaut.

 

 

Faire fonctionner la théorie

Préventif

Le combat un système émergent

Les techniques d’arrêt et de mort

 Intro

         Question de la finalité du combat : être le plus fort, ce défendre, bien vivre, et après ?

         À quoi ça sert : prendre soin de soi et des autres

         Combats intérieurs

Le meilleur combat c’est celui que l’on a évité

         Confiance et faiblesse psychologiques

         Gestion terrain attitude…

         Désamorcer le combat

Situation de combat peu dangereuse

         Proportionnalité différente du talion

         Dégagement

         Frappe curative

         Contrôle clefs

Situation grave de survie

         Point vitaux

         Armes naturelles et arme matérielle

         L’acceptation de la mort

Soigner

         Processus de mort

         Premier secourt

 

 

La pédagogie

         Pourquoi faire un art martial : culture histoire armée civile

         La peur et le manque de confiance en soit

         Premier rôle d’une pédagogie : faire grandir humainement

Apprendre

         Les systèmes : scolaire cohérent technique réfléchi géométrique culturel religieux…

         Les principes le socle des arts authentiques (spécifique et universelle)

         Le systémique dépasser le style et la technique et ne garder que ce qui est vrai

         Le réalisme : fonctionnement en asphyxie lactique vs stress vagal.

L’interne et l’externe

Maîtres et professeurs

Les niveaux (échelle de lao tse)